Le château de Rambouillet se réinvente

Le château de Rambouillet aura connu de multiples modifications depuis sa construction primitive au moyen-âge et vu défiler tous les régimes, jusqu’à devenir résidence présidentielle en 1896 avant qu’Emmanuel Macron ne mette fin à cette lourde obligation en 2018. Une liberté retrouvée qui a permis d’initier un grand projet de rénovations autour de trois réalisations significatives : la restauration de l’appartement de l’Empereur, le réaménagement de l’appartement qui accueilli les présidents et leurs hôtes et un nouvel espace de médiation installé dans la Laiterie de la Reine. Un programme ambitieux sous l’égide du Centre des monuments nationaux et qui devrait se poursuivre dans les années à venir.

De l’Ancien Régime à la République

La taille et le style du château de Rambouillet, ni trop fastueux, ni modeste, a toujours favorisé une certaine facilité et douceur de vivre, mais ses remaniements au fil des siècles, ses nombreux escaliers et couloirs, ses différents appartements ont rendu son architecture intérieure fort complexe et il a fini par être perçu comme un peu hétéroclite et vieillot. Il était nécessaire de lui redonner de la lisibilité, du pimpant et de l’attractivité touristique. Premier chantier, la rénovation de l’appartement de l’Empereur (une enfilade de trois pièces) qui a retrouvé sa splendeur du temps de Napoléon, grâce à la restauration des boiseries et des décors, à la restitution des tentures et rideaux en soie bleue et à la rénovation de la magnifique salle de bains au décor peint à l’antique, datant de 1806. Autre chantier d’envergure, la rénovation de l’appartement présidentiel qui fut utilisé par plusieurs présidents de la République pour s’y reposer en famille, y chasser, accueillir des hôtes de marque. Dirigeants et souverains tels que Eisenhower, Adenauer, Boris Eltsine, Nelson Mandela ou Elizabeth II y séjournèrent. Valéry Giscard d’Estaing y réunit en novembre 1975 les six chefs des États les plus industrialisés : Gérald Ford, Harold Wilson, Aldo Moro, Takeo Miki et Helmut Schmidt pour la première réunion du « G6 », devenu G7 en 1976 avec l’entrée du Canada.

Château présidentiel

« Le château a toujours offert un espace d’intimité pour les présidents », souligne Isabelle de Gourcuff, administratrice du lieu et Vincent Auriol fut le président qui y séjourna le plus entre 1947 et 1954. Féru d’art moderne, tout comme sa femme, il décida de l’adapter au goût et au confort de l’après-guerre et d’en faire aussi « une vitrine des savoir-faire français en matière d’arts décoratifs à des fins diplomatiques » raconte Gérald Rémy, inspecteur des collections de mobilier, de céramiques et de sculptures au Mobilier national et commissaire de l’exposition Rambouillet 1950, dans l’intimité du président.
Installée dans les six pièces en enfilade de l’appartement d’Assemblée aménagé au XVIIIe siècle pour le compte de Toulouse, l’exposition évoque l’histoire du château et les enjeux du remeublement qui sera progressivement complété dans les années à venir et sert d’introduction au retour des mobiliers créés à Rambouillet sous le mandat de Vincent Auriol pour garnir ce grand appartement présidentiel comme le cabinet de travail du président Auriol réalisé par le décorateur Jacques Adnet, reconstitué temporairement dans l’exposition.

Paquebot de luxe

La visite se poursuit dans les étages supérieurs du château à la découverte de quatre chambres jusqu’alors fermées au public, remeublées grâce un dépôt de longue durée du Mobilier national avec des ensembles commandés à différents décorateurs comme Pierre Lucas, Jean Pascaud, Genès Babut, Jeanne Blanche Klotz-Gilles ou la très moderne Suzanne Guiguichon qui associe le bois de merisier aux parchemin et métal doré…L’ambition d’Auriol est de recréer au château une ambiance à l’image du luxueux Normandie dans les années 1930 avec ses coursives, ses différents ponts desservant les cabines et toutes les commodités.
La tour médiévale François Ier qui abrite l’appartement réservé aux chefs d’État étrangers ou aux têtes couronnées est l’un des clous de la visite. Nommé « le studio », il est constitué d’un salon-bureau avec poutres apparentes et murs peints d’un audacieux jaune-moutarde plutôt avant-gardiste pour les années 1950, d’une salle de bains, de la chambre de Madame décorée sobrement de meubles en bois doré et de la grande chambre de Monsieur avec sa belle voûte, sa haute cheminée et son mobilier d’inspiration Renaissance. Il est dit que la reine Elisabeth II ne voulut pas y dormir, car selon la légende François 1er y trépassa, le 30 mars 1547.
Dans les étages supérieurs, de nombreuses autres chambres d’invités ou destinées au personnel sont un peu à l’abandon dans l’attente de restauration. Le parcours se clôt au rez-de-chaussée par le beau salon Médicis fraîchement rénové, ouvert sur le jardin. Une salle de réception aussi nommée « salle des Marbres » pour ses murs recouverts d’une somptueuse marqueterie de marbre du Languedoc rouge et gris.

Un espace de médiation dans la laiterie

Le domaine de Rambouillet, c’est aussi 150 hectares de Jardins Remarquables, un exceptionnel réseau hydraulique et des fabriques : la Chaumière aux coquillages édifiée au cœur du jardin Anglais en 1780 par le Duc de Penthièvre pour sa belle-fille la princesse de Lamballe avec un décor inspiré des grottes maniéristes du XVIe siècle en Toscane. Et la Laiterie de la Reine, cadeau de Louis XVI à Marie-Antoinette conçue par Hubert Robert avec une rotonde néoclassique et une grotte. Ouvert dans le pavillon du Roi, au sein de l’enclos de la Laiterie, un nouvel espace de médiation offre aux visiteurs les clés de lecture de ces deux chefs d’œuvre du domaine.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Exposition, du 10 décembre 2023 au 21 avril 2024
PROLONGATION JUSQU’AU 30 SEPTEMBRE 2024
Château de Rambouillet – 78120
Tous les jours, sauf mardi
Billet expo : 11€ (à partir de 2024)
Billet château + Laiterie + chaumière : 11€ (à partir de 2024)
Gratuité moins de 18 ans
L’accès au parc est libre et gratuit
Tél. 01 34 94 28 55
www.hateau-rambouillet.fr


Visuels :

 Vincent Auriol et son épouse au château de Rambouillet © Archives nationales (France).

 Le président Vincent Auriol et sa femme dans leur salon de jardin au château de Rambouillet © DR / Archives nationales de France.

 Chambre de l’Empereur. © L’Agora des Arts.

 La salle de bains de Napoléon Ier dans l’appartement de l’Empereur. © L’Agora des Arts.

 Salle d’exposition « Rambouillet 1950 ».

 Appartement présidentiel, chambre d’ami, mobilier de Suzanne Guiguichon © Benjamin Gavaudo - CMN.

 Bureau et salon de l’appartement des chefs d’État étrangers dans la tour François 1er. © L’Agora des Arts.

 Chambre de Monsieur dans l’appartement des chefs d’État étrangers © L’Agora des Arts.

 La salle des Marbres sous la présidence de Vincent Auriol © L’Agora des Arts.

 Laiterie de la Reine. Rotonde d’entrée © L’Agora des Arts.

 Espace de médiation dans le pavillon du Roi de la Laiterie de la Reine © L’Agora des Arts.

 Vue sur le parc depuis le château © L’Agora des Arts.

 Réunion du G6 à Rambouillet en 1975 ©Présidence de la République \ Archives nationales