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Le trait de la séduction. Dessins de l’Ecole de Fontainebleau

En 1528, délaissant les bords de Loire, François Ier se lance dans un grand chantier d’embellissement du château de Fontainebleau, ancienne résidence royale, logée au sein d’une forêt giboyeuse. Mécène et amoureux de l’art italien, il convie des artistes tels Rosso Fiorentino, Nicolò dell’Abate et Primatice. Après la mort en 1540 de Rosso, florentin influencé à Rome par Michel-Ange, attiré par l’étrange et le bizarre, c’est le Primatice (1504-1570), arrivé à la Cour de France en 1532 qui va diriger durant près de trente ans le chantier des décors du château. Y introduisant la bella maniera italienne. Bolonais, élève de Giulio Romano, il a participé au décor du palais du Té à Mantoue, l’un des principaux foyers de rayonnement du maniérisme. Primatice a plus d’un talent, il est à la fois architecte peintre, sculpteur, dessinateur. Il exerce aussi bien comme fresquiste et stucateur (chambres du Roi, de la Reine, cabinet du Roi, chambre de la duchesse d’Étampes, peintures de la galerie d’Ulysse ou salle de Bal), que comme architecte (aile de la Belle Cheminée), ordonnateur de fêtes, ou en supervisant les moulages et en dirigeant l’atelier des fontes. Pour mener à bien cette activité, il est secondé par Nicolo dell’Abate. Autour de ces maîtres, une équipe de fresquistes, stucateurs, menuisiers œuvre à la décoration et l’ameublement du château. Notamment l’Italien Luca Penni, élève de Raphaël, le Flamand Léonard Thirty, et les Français Charles Dorigny et Antoine Caron à qui l’on doit les portraits équestres des derniers Valois.

Dans ce renouveau artistique, synthèse de l’art français et de l’art italien, fresques mythologiques, allégoriques, romanesques et sculptures de stucs (mélange de poudre de marbre et de plâtre) fleurissent sur les murs, se mêlent aux lambris boisés et font la part belle aux guirlandes, putti et nudités féminines aux poses serpentines inspirées de la statuaire antique. Ces œuvres d’une grande complexité iconographique (se référant en général à la personne du roi et à la culture gréco-latine) vont donner naissance à un véritable courant artistique qui prendra le nom de son berceau : l’École de Fontainebleau ; une appellation qui n’apparaîtra toutefois qu’au XIXe siècle, en 1818 précisément, sous la plume de l’historien Adam Bartsch (1757-1821). Le dessin et la gravure jouent un grand rôle dans l’élaboration de tous ces décors et vont participer à diffuser largement le style bellifontain et l’étendre à d’autres arts : la sculpture, le vitrail, l’orfèvrerie, l’enluminure, la tapisserie, le mobilier et même l’armurerie.

Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), qui séjourna régulièrement dans sa jeunesse au château de Fontainebleau et s’en inspira pour la reconstruction de celui de Chantilly, nourrit un puissant intérêt pour les œuvres de Fontainebleau qui incarne à ses yeux la Renaissance française dans sa perfection. Il va acheter un grand nombre de dessins et gravures, avec un goût tout particulier pour Primatice dont il a pu admirer les fresques à l’abbaye de Chaalis, près de Chantilly. Ce sont les rares fresques de l’artiste conservées aujourd’hui en France (https://lagoradesarts.fr/-Abbaye-de-Chaalis-.html). Écaillées, effacées, détruites par des restaurations au XIXe siècle, les fresques du Primatice à Fontainebleau ont disparu. Restent les dessins. Innombrables. Et des estampes gravées du vivant même du maître.
Le duc d’Aumale acquiert Séléné et Endymion, François 1er en César, Cérès présidant aux moissons ou encore ces Anges montrant l’étoile des Mages. Et surtout sa sensuelle Danaé (voir photo), celle-là même qui a défini le canon féminin emblématique de l’École de Fontainebleau.
Ce dessin à la plume et encre brune, lavis brun, rehauts de gouache blanche est un modello, c’est-à-dire un dessin soigné, mis au carreau pour pouvoir être transféré sur un carton. Il prépare la fresque de la belle Danaé enfermée par son père qui craint d’être assassiné par un éventuel petit-fils, mais qui sera fécondée par Jupiter transformé en pluie d’or. Une fresque prévue pour la galerie François 1er au château de Fontainebleau.
Au travers d’un grand nombre de dessins et de manuscrit exceptionnels, l’exposition au château de Chantilly ravive le rayonnement européen de l’école de Fontainebleau, cette nouvelle esthétique d’un maniériste à la française, érudit, poétique, sensuel et élégant.

Catherine Rigollet

Visuels : Francesco Primaticcio, dit Primatice (Bologne, 1504 – Paris, 1570), Danaé. Plume et encre brune, lavis brun, rehauts de gouache blanche. Musée Condé, DE 150 ©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Michel Urtado. Et détail.
Antoine Caron (Beauvais, 1521 – Paris, 1599), Prince à cheval allant vers la droite et portant un bâton de commandement. Plume et encre noire, lavis brun, mine de plomb, rehauts de gouache blanche Musée Condé, PD 366 ©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Michel Urtado.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 7 août au 7 novembre 2021
Château de Chantilly (60) – Cabinet d’arts graphiques
Tous les jours, sauf mardi
10h-18h
Plein tarif : 17 € (château, parc, Grandes Écuries, expositions temporaires)
https://chateaudechantilly.fr/evenement/le-trait-de-la-seduction/


 À voir aussi : La Ménagerie de Chantilly
Une exposition inédite sur trois cents ans d’histoire de la faune et de la Ménagerie de Chantilly, sous le commissariat de Florent Picouleau, chargé des archives du musée Condé. 50 œuvres, livres et documents d’archives du musée Condé, de la bibliothèque de l’Institut de France, et du Muséum national d’histoire naturelle, présentés dans le parcours de visite du château de Chantilly, au cœur du prestigieux Cabinet des livres. Du 7 septembre au 3 janvier 2022.