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Le vieux Paris d’Eugène Atget

Ce qui frappe d’emblée dans les photographies d’Eugène Atget (1857-1927) c’est l’aspect étrangement désert des paysages urbains et la mélancolie qui s’en dégage. Ses photographies de rues, de boutiques, de façades et des quais de Seine de ce vieux Paris de la fin du 19e siècle encore épargné par le vaste chantier de rénovation urbaine que le baron Haussmann a lancé dans les années 1850 sont vides d’âmes. Avec sa chambre à soufflet en bois sur pied et ses plaques de 18 x 24 cm garantissant un rendu très précis des détails d’architectures, Atget prend ses clichés avant que Paris se lève. Dans le brouillard matinal, la ville est d’une étonnante fixité.
À ses débuts, vers 1888, Atget cherche à rassembler des paysages et des motifs, puis des images de rues parisiennes pour les vendre en tant que modèles pour des peintres et des illustrateurs. C’est à partir du moment où il se consacre aux rues de Paris que cet autodidacte commence à retenir l’attention d’institutions prestigieuses telles que le musée Carnavalet ou la Bibliothèque nationale, qui vont alors devenir ses principaux clients.
On est très loin des clichés de la Belle Epoque. La capitale est dépeinte fantomatique, les cadrages sont nouveaux, les prises de vues très frontales, les reflets dans les vitrines source de réinterprétations. C’est certainement ce qui séduira l’artiste américain Man Ray (1890-1976). Il est voisin d’Atget et l’un des premiers à pressentir le caractère « moderne » de ses photographies. Il lui achète des tirages, fait connaître son œuvre auprès des artistes surréalistes et a certainement évité que les milliers de clichés de l’amoureux de Paris s’empoussièrent dans des archives. À la mort de Man Ray, la photographe Berenice Abbott (1899-1991) qui fut son assistante acquiert une partie importante de l’œuvre d’Atget. Elle-même va brosser un vaste portrait documentaire de New York, en saisir tous les changements à la manière de celui qu’elle considère comme son maître et qu’elle va contribuer à faire internationalement connaitre.
L’exposition présente une sélection de 230 épreuves, réalisées à Paris entre 1898 et 1927, issues des collections du musée Carnavalet, complétées par celles de la George Eastman House de Rochester et de la Fundación Mapfre à Madrid. Des images très connues et d’autres peu ou jamais vues comme ces 43 photographies d’Atget en provenance de la collection de Man Ray, et conservées à Rochester (Etats-Unis). Les tirages ne sont jamais en noir et blanc ; leur teinte varie du sépia au brun-violacé, accentuant à nos yeux l’effet « traces du passé ». Certaines sont encore là, comme cette enseigne Au Port Salut qui surmontait l’entrée d’un cabaret de la rue des Fossés St Jacques. Le musée présente en parallèle une quarantaine d’épreuves d’Emmanuel Pottier (Meslay-du-Maine, 1864 – Paris, 1921), contemporain d’Atget, qui a travaillé lui aussi sur le même motif, le Paris pittoresque.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 25 avril au 22 juillet 2012
Musée Carnavalet
23, rue de Sévigné 75003
Du mardi au dimanche
De 10h à 18h
Plein tarif 7€
Tél. 01 44 59 58 58
http://carnavalet.paris.fr/fr/musee-carnavalet

 

 

 Le très beau catalogue édité par Gallimard réunit près de 300 illustrations accompagnées de textes des commissaires de l’exposition : Frits Gierstberg, Carlos Gollonet et Françoise Reynaud et d’autres auteurs, historiens de l’art et spécialistes de la photographie. 348 pages. 45€