La place de la Concorde sans son obélisque ne serait sans doute pas la même. Ce monolithe de 23 mètres de haut et de 230 tonnes, dressé vers le ciel dans un geste à la fois puissant et gracieux et surgi du XIIIe siècle av. J.-C., a effacé dans une certaine mesure, à l’époque de la monarchie restaurée, le passé sanglant d’une place d’abord baptisée Louis XV puis place de la Révolution en 1792, une place où trôna la guillotine qui décapita en moins de deux ans près de la moitié des sacrifiés parisiens, dont Louis XVI et Robespierre...
En filigrane de cette histoire nationale mouvementée, la nouvelle exposition du musée de la Marine nous invite à découvrir l’extraordinaire voyage de l’obélisque du temple égyptien de Louxor à la plus grande place parisienne. Dessins, gravures, aquarelles, calques et plans originaux, objets archéologiques, maquettes, extraits de relations de voyage et d’un documentaire vidéo (diffusé en intégralité sur France 5 le 16 mars à 9h10), de nombreux documents ont été rassemblés pour faire connaître et comprendre cette incomparable odyssée d’un continent à l’autre, à travers les mers et les siècles. Cette entreprise pharaonique, sous les auspices de Ramsès II qui fit ériger l’obélisque, s’affirma d’emblée comme une aventure technologique et scientifique hors norme mais aussi, entre épidémies et caprices du Nil, comme un périple humain et maritime sans pareil qui dura sept ans, du don du vice-roi d’Égypte Méhémet-Ali à l’érection du monument devant le roi Louis-Philippe et 200 000 Parisiens médusés. Plus que ces derniers encore, le visiteur, parce que tous les dessous de cette expédition unique lui sont tour à tour dévoilés, ne manquera pas d’être impressionné par cette histoire qui fascine autant qu’elle laisse libre cours à l’imagination, aux correspondances historiques, voire poétiques. De nombreuses médiations sont développées par le musée pour faire vivre ce voyage rocambolesque de l’obélisque : une application smartphone avec jeu et témoignages, des conférences, des visites commentées, contées pour les plus petits ou une visite-atelier pour les 7-12 ans... Ne bridez pas votre curiosité !
Jean-Michel Masqué
Visuel : Façade du temple de Louxor, vers 1800, aquarelle. François-Charles Cécile (1766-1840).
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Les frères Chuzeville
