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Les arts de l’effervescence. Champagne !

De l’apparition du vin pétillant de Champagne à la fin du XVIIe siècle jusqu’au XXIe siècle, une passionnante exposition parcourt cinq siècles d’art lié aux bulles.

Il y a tous les vins…et le champagne. Réputé pour sa finesse depuis la Renaissance, le vin de Champagne quitte à la fin du XVIIe siècle sa tranquillité pour devenir effervescent - et très vite unique en son genre. Cultivé sur un terroir spécifique de coteaux, résultat d’un processus complexe et coûteux, élevé et vieilli dans d’immenses galeries de caves et d’anciennes crayères gallo-romaines (comme celles de la maison Taittinger), le champagne est un produit rare et cher, réservé à une élite comme en témoignent, en 1735, les deux commandes royales de Louis XV pour la salle à manger de ses petits appartements du château de Versailles : Le Déjeuner d’huîtres de Jean- François de Troy et Le Déjeuner de jambon de Nicolas Lancret. Ces deux toiles, conservées au musée Condé à Chantilly, constituent les représentations fondatrices de l’imaginaire du champagne en l’associant à l’aristocratie, au luxe et à la fête. Cet imaginaire aristocratique du vin de Champagne se trouve encore renforcé par le raffinement de la vaisselle qui accompagne sa dégustation : flûtes, coupes ou rafraichissoirs en porcelaine ou en cristal signées des plus grandes manufactures et cristalleries. Gallé crée même en 1890, pour Henry Vasnier, directeur des établissements Pommery, une exceptionnelle salle à manger en bois marqueté avec une profusion de grappes, sarments et vrilles.
À la fin du XIXe siècle, le champagne n’est plus seulement associé à une tradition de la noblesse, puis de la bourgeoisie, mais à la fête pour tous. À Paris, vie libertine, bals, agapes et réjouissances sont associés au champagne. L’usage de cette boisson se développe et devient un mythe porteur de créativité pour de nombreux artistes. Entre allégorie, caricature, fantasme et réalisme, le champagne inspire. Daumier croque un Toast porté à l’émancipation des femmes par des femmes déjà furieusement émancipées (1848), Thomas Couture stigmatise les excès du vin mousseux dans Souper à la Maison d’or (avant 1855), Jean-Louis Forain évoque son côté galant dans Le Champagne dans la loge (1925), Picasso ses tendances libertines dans Le Repos du Minotaure : champagne et amante (1933).
Tandis que les maisons de champagne s’enrichissent, édifiant vastes celliers et châteaux aux architectures de plus en plus luxueuses pour asseoir leur prestige, les expositions universelles et la publicité accentuent la dimension internationale de leur élixir. Elles commandent aux artistes des affiches, Mucha, Bonnard ou Toulouse-Lautrec en tête, puis font décorer leurs bouteilles par Vasarely, Arman, Vieira da Silva, Matta ou Masson. Aujourd’hui encore, artistes et designers perpétuent l’image de « bonheur de vivre » et de réussite économique qu’évoque le champagne. En toute liberté comme Olivier Debré dans l’immense toile Vert de vignes, Champagne (1988) ou en commande publicitaire tel Maarten Baas avec son impressionnant Bouquet de champagne (2008), une sculpture surréaliste en verre de Murano commandée par Ruinart (LVMH), réinterprétant la tradition des centres de table du XVIIIe siècle.
À travers peintures, dessins, gravures, affiches, sculptures, maquettes et dessins d’architecture, objets d’arts décoratifs, musique et cinéma, l’exposition « Les Arts de l’effervescence. Champagne ! » interroge les rapports entre le champagne et les arts depuis l’apparition du vin pétillant de Champagne jusqu’au XXIe siècle. Elle est centrée sur les années 1848-1914, période pendant laquelle le développement du commerce du vin de Champagne, alors à son apogée, eut un impact majeur dans les arts. Elle rappelle aussi que le champagne doit beaucoup aux femmes, des nombreuses femmes d’affaires qui l’ont fait évoluer et l’ont vendu à travers le monde, comme la plus illustre, Barbe-Nicole Ponsardin, devenue célèbre Veuve Clicquot à 29 ans, aux femmes qui l’ont bu, en raffolent toujours et demeurent indissociablement liées à son élégance, à sa finesse et sa sensualité.

Catherine Rigollet

Visuel page expo : Pierre Bonnard. France-Champagne. E. Debray propriétaire. Lithographie couleur sur papier © Adagp, Paris 2012 - © Bibliothèque municipale de Lyon, Didier Nicole.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 12 décembre 2012 au 26 mai 2013
Musée des Beaux-arts
8 rue Chanzy - 51100 Reims
Tous les jours, sauf mardi, de 10h à 12h et de 14h à 18h
Tél. 03.26. 35.36.00
www.reims.fr
 À lire :
Catalogue Les arts de l’effervescence. Champagne ! Co-édition Editions d’art Somogy et Ville de Reims. 224 pages, 250 illustrations. Relié 39€.
Les Halles du Boulingrin 1920-2012. 144 pages, 200 illustrations. Somogy Editions d’art. 32€
 Actualité des expositions à Reims :
Frédéric Voisin. « Memento Mori -Enfers et damnation ». Gravures contemporaines sur linoleum inspirées des œuvres de Bosch ou Brueghel. Du 11 décembre 2012 au 2 mars 2013, dans la superbe
Bibliothèque Carnegie. A deux pas de la cathédrale qui a fêté ses 800 ans en 2010. Tél. 03 26 77 81 41.
www.bm-reims.fr

 À visiter :
Les caves & crayères des Maisons de champagne.
www.maisons-champagne.com

Un nouveau musée des Beaux-arts à côté des Halles du Boulingrin

Avec plus de 50 000 œuvres issues de nombreuses donations, le musée des Beaux Arts situé dans une ancienne abbaye proche de la cathédrale, ne lui permet d’exposer que 7,5 % à peine de ses collections. Aussi la Ville de Reims a-t-elle choisi de se doter d’un nouvel établissement dessiné par l’architecte David Chipperfield et dont l’ouverture est prévue pour 2018 (coût estimé : 55 millions d’euros). Il sera édifié à côté des célèbres Halles du Boulingrin classées Monument Historique en 1990. Restaurée et rouverte au public en 2012 pour abriter un marché comme à l’origine, cette grande architecture de béton des années 1930, œuvre de l’architecte Emile Maigrot et de l’ingénieur Eugène Freyssinet constitue un témoignage de l’histoire du béton armé, des voûtes minces et des grandes ouvertures en verre dont il reste très peu d’exemples en France.