Tout ici évoque avec beaucoup de charme et d’intimité la présence de Jean-Jacques Rousseau. Nous sommes à Montmorency, dans une maison entourée d’un jardin où le philosophe passa cinq années de quiétude et d’écriture, de 1757 à 1762. À peine franchi le hall d’entrée, plusieurs bustes et statues de l’ancien hôte des lieux accueillent le visiteur. La plus belle sculpture est une petite terre cuite d’une trentaine de centimètres d’Albert Carrier-Belleuse montrant Rousseau herborisant, une pervenche à la main. Dans une pièce voisine, un tableau évoque la rencontre de Rousseau avec Mme de Warens (anonyme), un autre le présente cueillant des cerises avec Mademoiselle Galley (1839, anonyme).
Mais retour en 1756. Fuyant Paris « ville de fumée, de bruit et de boue », Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) s’installe à la campagne, d’abord au lieu-dit l’Hermitage à l’orée de la forêt de Montmorency, puis l’année suivante au petit Mont-Louis en centre-bourg de Montmorency. Il a 45 ans, et c’est au calme de cette jolie petite maison d’où l’on aperçoit Paris à l’horizon qu’il compose plusieurs de ses œuvres romanesques et politiques majeures : Julie ou la Nouvelle Héloïse, la Lettre à d’Alembert sur les spectacles, Du Contrat Social, Émile ou de l’Éducation. Il y vit avec sa compagne Thérèse Levasseur, rencontrée en mars 1745, une modeste lingère qui partagera pourtant trente ans de sa vie. Ce qui n’empêchera pas le philosophe, grand sentimental et homme de passions, d’avoir d’autres liaisons. Cette maison qu’il loue à Jacques Mathas, procureur fiscal du duché d’Enghien-Montmorency, est constituée d’une cuisine et de deux chambres. Une au rez-de-chaussée pour Thérèse, l’autre pour lui, à l’étage. Tout est modestement meublé. Un lit dans une alcôve, une table pour écrire, quelques étagères pour ranger ses livres et la vue sur le jardin. Il aime y herboriser, s’asseoir sur la table en pierre pour écrire et surtout s’isoler au bout de l’allée de tilleuls, dans Le Donjon, ce minuscule cabinet de travail dans lequel il rédigera en l’espace de trois semaines sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles, comme il le confie dans Les Confessions (Livre X).
Du Donjon, Rousseau peut admirer la vallée et l’étang de Montmorency. Mais la publication de Émile ou de l’Éducation en avril 1762 provoque de violentes réactions. Le Parlement de Paris condamne le livre à être brûlé et son auteur à être arrêté et emprisonné. Rousseau quitte précipitamment Mont-Louis le 9 juin 1762 avec la complicité du maréchal de Luxembourg et s’exile dans le Jura Suisse, puis en Angleterre. Un exil au cours duquel il rédigera ses célèbres Confessions.
Dans un agrandissement de la maison datant du XIXe siècle, des expositions temporaires sont organisées sur la vie et l’œuvre de Rousseau, ainsi que sur le 18e siècle et l’histoire locale. Devenu Musée Jean-Jacques Rousseau, le petit Mont-Louis qui a été entièrement restauré vient d’être labellisé « Maison des illustres »
Catherine Rigollet (reportage 2012)
– À côté du musée-maison de Jean-Jacques Rousseau, la maison des Commères, haute bâtisse rurale du XVIIe siècle dominant le Mont-Louis, héberge une bibliothèque d’études rousseauistes.
Visuels © C.R 2012, sauf 1 et 12 © Amand Berteigne, 2012