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Marquet. Peintre à sa fenêtre, voyageur immobile

En 1905, Albert Marquet (1875-1947), bordelais d’origine, signe un contrat d’exclusivité avec la galerie Druet qui le met à l’abri du besoin et lui donne l’opportunité d’assouvir sa passion du voyage. Cette même année, il découvre la Méditerranée, la Côte d’Azur tout d’abord où il retrouve ses amis peintres Manguin et Camoin et rend visite à Signac, Valtat et Cross. Son ami des années d’apprentissage et de « vache enragée », Matisse, a déjà été fasciné quelques temps auparavant par l’aura de ces paysages gorgés de lumière et de couleur. Sa peinture en sera à jamais bouleversée. Celle de Marquet aussi, qui pourtant ne fait qu’effleurer le mouvement fauve excluant les tonalités trop contrastées et se vouant avec obstination à son thème de prédilection, les ports et plus précisément encore la rade et les bassins, un peu de mer, quelques bateaux et un soupçon d’activité portuaire, car la ville en elle-même ne l’inspire guère sinon comme arrière-fond.

C’est cette longue série méditerranéenne (le dernier séjour de Marquet à Alger date de 1946, un an avant sa mort) que nous donne à voir l’exposition de plus de quatre-vingts œuvres rassemblées par le musée Paul Valéry de Sète, « La Méditerranée d’une rive à l’autre ». Comme l’écrivit son épouse Marcelle, qu’il rencontra d’ailleurs à Alger, « Marquet se sentait chez lui partout où il y avait de l’eau et des bateaux ». L’infirmité qui l’entrave depuis l’enfance, un pied bot, a certainement rejailli sur sa manière d’aborder les paysages et les marines qu’il peint. Partout où il s’installe, dans les ports où il pose son chevalet, il trouve le lieu de villégiature et d’atelier où il pourra, d’une fenêtre, trouver l’angle idoine pour peindre ou dessiner. Marquet est un peintre à sa fenêtre, un voyageur immobile. D’où la juste remarque du critique Georges Denoinville dans Le Journal des Arts en mai 1928 : « Albert Marquet, peintre panthéiste par excellence est moins un imaginatif qu’un très silencieux contemplatif. » Sa rétrospective de 2016 au Musée d’art moderne de la ville de Paris ne s’intitulait-elle pas, en référence à Proust, « Albert Marquet, peintre du temps suspendu » ?

Dans le catalogue, très complet et bien illustré (co-édition musée Paul-Valéry et éditions midi-pyrénéennes, 37 €), Itzhak Goldberg parle d’une « peinture en mineur », d’« une forme de réalisme discret mais obstiné ». Il poursuit son analyse : « Plus opticien qu’alchimiste, il s’intéresse avant tout aux conditions de la visibilité. Indéniablement, avec cette approche sérielle ou celle du thème et des variations, Marquet s’inscrit dans la voie tracée par Cézanne. Comme ce dernier, il accorde peu d’importance à l’aspect théorique et se concentre sur la production plastique, lente et entêtée. » Et même dans ses nombreuses toiles réalisées en Afrique du nord, du Maroc à l’Égypte, Marquet n’en rajoute jamais, garde sa réserve… « Nul pittoresque enjolivé, écrit Sophie Krebs dans le catalogue, nulle vue orientale fantasmée dans les toiles de Marquet. On est même surpris par la simplicité évidente de ses vues qui restituent le paysage tel qu’il est et non tel qu’on aurait aimé qu’il soit. Il ne triche pas. » Il n’innove pas non plus…Marquet nous charme sans nous enthousiasmer. Sa peinture simple et réaliste, voire discrète, pourrait presque ennuyer s’il ne s’en dégageait une beauté sereine et immédiate, apaisante.

Jean-Michel Masqué

Visuels : Albert Marquet (1875-1947) Sète, Le Canal de Beaucaire, 1924. Huile sur toile, 64 x 80 cm. Legs de M. Georges Grammont. Legs à l’État français pour dépôt au Musée de l’Annonciade, Saint-Tropez en 1959.
Albert Marquet, La Plage au soleil, 1926. Huile sur toile, 50 x 61 cm. Collection particulière. Courtesy Brame & Lorenceau, Paris.
Albert Marquet, Naples, 1908. Huile sur toile, 36 x 45 cm. Musée d’art et d’histoire, Neuchâtel.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 29 juin au 3 novembre 2019
Musée Paul Valéry
148, rue François-Desnoyer, 34200 Sète
Tous les jours de 9h30 à 19h, jusqu’au 31 octobre
A partir du 1er novembre : tous les jours sauf le lundi de 10h à 18h
Plein tarif : 9,90 €
Tél. 04 99 04 76 16
www.museepaulvalery-sete.fr