Musée Chillida-Leku au Pays Basque

Deux ans avant sa mort, le sculpteur espagnol Eduardo Chillida (1924-2002) ouvre une fondation destinée à ses propres œuvres sur une ondoyance herbue et arborée du pays basque espagnol. Des œuvres de grand format essaimées sur des pelouses tondues à l’anglaise, et des maquettes, dessins et œuvres de petite taille rassemblées dans la bergerie du 16e siècle, restaurée avec l’aide d’un architecte argentin, Luis Laplace. À sa mort, sa famille continue d’en assumer la responsabilité. Mais plombée par ses coûts d’entretien, la Fondation ferme en 2011. Elle vient de rouvrir en 2019 avec le soutien de la galerie internationale Hauser & Wirth. On n’installe pas les sculptures de Chillida n’importe où. Pour preuve, Arco de la libertad, commissionné par la ville de Paris, est revenu à la Fondation lorsque Chillida a compris que la place sur laquelle il pensait l’installer ne serait pas uniquement piétonnière.

Pour mettre ses œuvres métalliques “en contact avec la nature et favoriser leur oxydation”, le “grand lutteur des matières dures”, comme l’appelait Gaston Bachelard, en a installé plusieurs dizaines, en acier Corten, calligraphies métalliques épaisses se détachant sur le ciel céruléen. Et les fait dialoguer avec d’autres, plus massives, en pierre granitique rosée qui s’ancrent dans la surface gazonnée.

Bachelard avait défini le parcours de Chillida : “Il voulait être sculpteur. On lui mit, suivant le classique apprentissage, les mains dans la glaise. Mais ses mains tout de suite se révoltèrent. Plutôt que de mouler, il voulait dégrossir." C’est là qu’il est entré dans “la forge créatrice”, car Chillida forge (et ne fond pas) pour se donner une plus grande maniabilité du matériau. Il aime se coltiner au métal, son poids, sa chaleur, un combat dont le fer sort néanmoins vainqueur, imposant ses expansions et rétractations dans la phase terminale.

Pas d’itinéraire fléché. Depuis l’entrée du parc, juste une étendue verte sur lesquelles sont déposées les sculptures, les plus compactes déjouant la rationalité du regard par une dernière courbe, un vide imprévu (Buscando la luz III, 2000), les plus verticales jaillissant du sol pour célébrer l’union de deux arbres (Lotura XXXII, 1998), les plus discrètes rendant hommage à ses amis, Balenciaga ou Braque. Et puis à l’ombre du feuillage, une “mesa”, lourde table dédiée à Luca Pacioli, ami de Léonard de Vinci, mathématicien et franciscain, où les découpes géométriques introduisent à la fois légèreté et spiritualité. Pour ponctuer cette partition métallique, les œuvres de granit. Comme pour adoucir leur gravité, l’artiste les allège par des incisions, offrant comme un effet de lévitation des segments de pierre. La pesanteur se fait légère.

Qui n’a pas encore vu Le peigne du vent, les trois gigantesques sculptures que Chillida a scellées dans les falaises de la plage de San Sebastian (Espagne), à une dizaine de kilomètres, peut en voir le projet dans la bergerie, avec d’autres maquettes et d’autres œuvres de plus petit format, comme Homenaje al mar, en albâtre.

Chillida travaillait, porté “par le parfum des œuvres”. Un parfum que l’on imagine bien en arpentant ce site superbe.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Chillida, Buscando la luz, III, 2000. Acier corten.
Lottura XXXII, 1998. Acier corten.
Homenaje a Balenciaga, 1990. Acier corten.
Photos : Elisabeth Hopkins / L’Agora des Arts. Octobre 2019

Archives expo en Europe

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Musée Chillida-Leku
Barrio Jauregi 66 - 20120 Hernani, Espagne
Proximité de St Sébastien – Pays Basque
Exposition permanente
Ouvert tous les jours, sauf le mardi
De 10h à 20h, d’avril à septembre
Fermeture à 18h ou 19h les autres mois
Tarif plein : 12€
www.museochillidaleku.com