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Naples pour passion. Les chefs-d’œuvre de la collection De Vito

Il était ingénieur doublé d’un historien de l’art passionné par le Seicento napolitain. Giuseppe de Vito (1924-2015) a acquis, au fil des années, plus d’une soixantaine de toiles de cette époque, conservées à la Villa Olmo près de Florence, sous l’égide de la Fondation de Vito. Une quarantaine de ces toiles sont aujourd’hui exposées dans un hôtel particulier dijonnais du XVIIe siècle.

Naples, au XVIIe siècle, est sous domination espagnole. Elle est la ville la plus peuplée d’Europe, après Paris ; on y construit maints édifices religieux, et la vie artistique, en pleine ébullition, est traversée par des influences et des courants multiples. L’exposition se développe en quatre sections plus ou moins chronologiques : le naturalisme caravagesque ; la transition entre le caravagisme et un baroque novateur ; deux artistes baroques et la nature morte.
Caravage n’a fait que deux courts séjours à Naples, entre 1605 et 1610, année de sa mort. Et pourtant rien de plus caravagesques que les œuvres du Maître de l’Annonce aux Bergers, peintre mystérieux qui doit son nom à plusieurs annonces aux bergers, et travailla à Naples entre 1630 et 1650. Sa Figure juvénile humant une rose, c. 1635-40 présente un personnage jeune, asexué, sur fond sombre, avec un chiaroscuro prononcé. Toujours dans cette veine naturaliste rehaussée par le clair-obscur, on remarque le visage mutin de Saint-Jean Baptiste enfant, c. 1622 de Giovanni Battista Caracciolo, et le Saint-Jean Baptiste dans le désert, c. 1630 de Massimo Stanzione, peintre influencé aussi bien par le style de Caravage que par le naturalisme de Jusepe Ribera, car le peintre espagnol a pu s’imposer dans la première moitié du siècle comme le chef de file de la peinture napolitaine. Il portraiture sur toile ou sur cuivre des hommes âgés, en pied ou demi-buste, avec un réalisme presque provocateur (Saint Antoine abbé, 1638)

Entre l’éruption du Vésuve et la peste de 1656, les peintres étrangers (venus d’Italie ou du Nord) ou leurs œuvres parviennent jusqu’à Naples. Les peintres s’éloignent du caravagisme, s’essaient à un naturalisme plus modéré. Ceux qui ont voyagé à Rome ou à Florence ont vu le travail d’Annibale Carracci, de Raphaël et de Michel-Ange. Les compositions gagnent en sérénité et les palettes en clarté, telle la Sainte Lucie, 1645 de Bernardo Cavallino vêtue de soieries claires et chatoyantes. Marchands et aristocrates recherchent ce genre de portrait féminin à mi-corps et les peintures de saintes ou de madones fleurissent sur ce nouveau marché de l’art. Dans d’autres ateliers, de réalistes batailles (sur la toile) font rage. Celles d’Aniello Falcone et de ses assistants sont particulièrement appréciées des collectionneurs et diffusées en Europe.

Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, alors que la peste de 1656 a emporté presque la moitié de la population de la ville dont le peintre Cavallino, Mattia Preti et Luca Giordano dominent la scène artistique et permettent au courant baroque de s’imposer. Preti théâtralise ses tableaux, avec des mouvements étudiés et émotions tangibles. La déposition du Christ, c. 1675 répond peut être aux requêtes du Vatican pour du spectaculaire, manière d’essayer de contrer la réforme protestante. De Giordano, on peut voir deux œuvres, dont une sur bois, deux œuvres de jeunesse, proches du style de Ribera : Tête de Saint Jean Baptiste, c. 1657-60 et Scène d’auberge, c. 1658-60.

L’exposition se termine sur des natures mortes : Nature morte aux cerises, aux fraises et aux roses, c. 1647-50 de Luca Forte, renvoie au Caravage. Les fruits et les fleurs sont détaillées avec un perfectionnisme de botaniste que l’on retrouve sur une autre cimaise dans des bouquets de fleurs minutieusement rendues. Paolo Porpora, peintre des poissons, les décrit dans une composition pyramidale qui met en valeur la brillance des écailles et la fraîcheur de la pêche (Nature morte aux poissons et aux crustacés dans un paysage, 1640-45). On dit que le collectionneur donnait sa préférence aux natures mortes. À voir les tableaux acquis, on peut le comprendre.

Mais Giuseppe de Vito n’est pas seulement un collectionneur avisé qui permet aujourd’hui au grand public de se familiariser avec une époque que Roberto Longhi, au milieu du XXe siècle, considérait comme marquée principalement par le Caravagisme. Il en est également l’historien et les dizaines de publications qu’il a signées élargissent la gamme des influences sans exclure celle de Caravage. L’exposition dialogue avec le fonds du musée Magnin sous la forme d’une exposition simultanée dans une autre salle. « Voyage à Naples » offre une bonne sélection de peintures, dessins et récits de voyage.

Elisabeth Hopkins

Visuels : Maître de l’Annonce aux bergers (actif entre 1625 et 1650), Figure juvénile humant une rose, 1635 – 1640. Hst, 104 x 79 cm.
Jusepe de Ribera (1591-1652), Saint Antoine abbé, 1638. Hst, 71,5 x 65,5 cm.
Luca Forte (1605/1606 ?-après 1653), Nature morte aux cerises, aux fraises et aux roses, vers 1647-1650. Hst. 41,5 x 49,5 cm.
Visuel vignette : Giovanni Battista Caracciolo, dit Battistello (1578-1635), Saint Jean Baptise enfant (détail), vers 1622. Hst, 62,5 x 50 cm.
Photos © Fondazione De Vito, Vaglia (Firenze)

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 25 mars 2023 au 25 juin 2023
Musée Magnin
4, rue des Bons Enfants
21000 Dijon
Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h
Entrée : 5,50 €
https://musee-magnin.fr/agenda/evenement/naples-pour-passion...


 Les œuvres vues à Dijon seront présentées au Musée Granet d’Aix en Provence du 15 juillet au 29 octobre 2023.