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Nuits électriques. Quand la lumière fuse dans le noir.

Le Port du Havre, effet de nuit de Monet (1872-1873) est l’une des premières et très rares représentations impressionnistes de la nuit. Elle montre aussi la précocité du Havre dans la course à la lumière artificielle. Après avoir déjà doté ses phares de la Hève du premier éclairage électrique à l’arc dès 1863, elle abandonne le gaz pour l’électricité en 1889. À Paris, la première installation électrique permanente date de 1878, à l’occasion de l’Exposition Universelle. Ce n’est qu’un essai. La fée électricité, vedette de l’Exposition universelle de 1900 mettra toutefois plusieurs décennies à transformer Paris en Ville lumière ; les rues s’éclairèrent longtemps la nuit tombée à la lueur des réverbères au gaz grâce à une armée de falotiers.
Mais même éteints, ils étaient beaux ces réverbères avec leur piédestal orné et leur gracieuse lanterne. Mandaté par la Ville de Paris, le photographe Charles Marville (1813-1879) les a photographiés en séries, comme des portraits. Gustave Caillebotte, Albert Marquet (Le réverbère, Arcueil, 1899), Eugène Boudin, Édouard Manet, Auguste Renoir ou encore Vincent van Gogh les ont peints.

Mais c’est de les représenter éclairés qui va progressivement séduire les peintres. Du simple halo du réverbère trouant à peine l’obscurité et rendant la ville ombreuse et inquiétante, prisé par Toulouse-Lautrec, Steinlen ou Vallotton (Promenade nocturne, 1895), à la nuit lumineuse, festive et féerique des vitrines de boutiques et des spectacles préférée par Pierre Bonnard (Le Moulin Rouge ou Place Blanche, terrasse d’un café, 1896). En Europe aussi les villes s’allument comme l’évoquent les tableaux de l’Espagnol Dario de Regoyos, de l’Anglais John Atkinson Grimshow ou de l’Allemand Carl Saltzmann peignant le Premier éclairage électrique dans les rues de Berlin sur la Potsdamer Platz, en 1884.
En France, la nocturne expérimentale de Monet faite au Havre en 1872-1873 reste peu suivie. Les impressionnistes privilégient la lumière du jour à l’artificielle. Quelques œuvres font exception comme ce Boulevard Montmartre, effet de nuit de Camille Pissarro en 1897. Les néo-impressionnistes tels Seurat, Anquetin, Angrand ou Luce ne seront pas aussi réticents. Et la lumière électrique va se faire éblouissante avec Kees van Dongen (Le Carrousel, Place Pigalle, 1901), voir aveuglante comme un feu d’artifices (Le Lustre, Moulin de la Galette, vers 1905-1906). Sonia Delaunay ira jusqu’à abandonner toute référence figurative à la source lumineuse pour ne traduire l’éblouissement que par des disques éclatés en anneaux concentriques colorés de toutes les couleurs du prisme (Prismes électriques, 1914). Et la lumière fuse.

Catherine Rigollet

Catalogue, 320 pages, 200 illustrations. Ed. Octopus/MuMa Le Havre. 29€.


À voir aussi au Havre : « Un été au Havre »
18 œuvres et installations dans l’espace public dont sept inédites
Du 11 juillet au 4 octobre 2020.


Visuels : Claude Monet, Le Port du Havre, effet de nuit (1872-1873). Huile sur toile, 60 x 81 cm. Collection particulière. Engagée dans d’autres expositions en 2020, la toile ne sera exposée au MuMa que jusqu’à fin août.
Albert Marquet, Le Réverbère, Arcueil, 1899. Huile sur toile, 27 x 41,3 cm. Collection particulière.
Maxime Maufra, Féérie nocturne – Exposition universelle 1900, 1900, huile sur toile, 65,5 x 81,3 cm. Reims, musée des beaux-arts, legs Henry Vasnier © C.Devleeschauwer.
Sonia Delaunay, Prismes électriques, 1914. Huile sur toile, 250 x 250 cm, Paris, Centre Georges Pompidou.

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 3 juillet au 1er novembre
MUMA
2, Bd Clémenceau – 76600 Le Havre
Tél. 02 35 19 62 72
Du mardi au vendredi de 10h à 18h
Le Week-end de 11h à 19h
Fermé le lundi
Du 3 Juillet au 31 août :
Tarif unique : 5 €
Du 1er septembre au 1er novembre :
Tarif normal : 10 €
Tarif réduit : 6 €
www.muma-lehavre.fr
Normandie impressionniste se poursuit en ligne :
www.normandie-impressionniste.fr/fr/visites-virtuelles/