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Philippe Pasqua. Allegoria

Le Domaine Départemental de Chamarande, dans l’Essonne, s’ouvre pour les mois à venir à Philippe Pasqua (né en 1965) et à son travail protéiforme. Décevante, cette exposition dans le château, l’orangerie et le parc manque cruellement d’originalité.

Pasqua est un autodidacte, qui joue habilement des influences pour ne pas avoir l’air de plagier et qui aime le XXL. Il s’est fait remarquer en recouvrant une Ferrari 430 Scuderia d’un cuir de vachette tatoué (clin d’œil à Wim Delvoye ?). On le connait aussi pour ses visages de grande taille, peints à l’huile, dans des camaïeux de gris ou de mauve. Usant de touches du pinceau qui pourraient paraître incontrôlées, et dont la superposition finit par définir un visage expressif dévoilant même son intimité, Pasqua se révèle un formidable portraitiste gestuel. Deux de ces portraits monumentaux (5m x 4,50m) sont dans l’Orangerie, Philippine et Vanessa (2017). On regrette qu’il abandonne ce pinceau fou et expressionniste, certes très influencé par le travail de Yan Pei Ming, pour des collages de photos sur fond de graffiti dans les portraits de sa compagne et de ses enfants dans la salle à manger du château.

Mais Pasqua se veut aussi sculpteur. Intrigué par les vanités depuis 1999, il récupère des crânes pour les mettre en scène, en construit un monumental avec du bois, le brûle pour accentuer la dramaturgie, puis en tempère la morbidité par l’ajout de papillons, métaphore pour l’âme qui quitte le corps (Sans titre, 2018). Une façon de se différencier un peu de Jan Fabre recouvrant des crânes de scarabées (2010) ou de Damien Hirst y collant des mouches ou des diamants (2007).

Surfant sur la vague de dénonciation des méfaits de l’homme sur la nature et les animaux, il échoue sur le gazon le squelette d’une tortue préhistorique empêtrée dans des filets de pêcheur (Santa Muerte, 2016) ou suspend un mégalodon (requin préhistorique) d’inox de 10m de haut à un portique évoquant le porte-filet d’un chalutier (Who should be scared ?, 2016), référence là encore à la surpêche et à l’exploitation mortifère des océans par l’homme ?

Mais, on se dit que là encore, Pasqua copie beaucoup ses aînés. Vanités ? Requins ? N’en avons-nous pas déjà rencontrés sur les bords du Grand Canal vénitien, dans des bains de formol ici ou là ? Que dire de ses méduses en verre soufflé transparent entassées dans une benne à ordures en métal blanc ? « Une évocation du mythe des sirènes dont le chant envoûtant attirait les marins vers le large » explique le cartel. On passera sur l’autruche taxidermisée, posée dans un lit d’enfant et un préservatif dans le bec…Le croirez-vous, quelques semaines plus tard, le préservatif s’est complètement délité et est tombé en petits morceaux oranges, du style de ceux que l’on cherche à éliminer dans les océans !
Il reste à mentionner un tableau que certains verront comme la version masculine de La Naissance du Monde de Courbet, mais qui ressemble surtout à une copie de L’origine de la guerre, peinte par Orlan…en 1989. À noter que l’accès à la salle est réservé aux adultes !

Il y a probablement dans l’œuvre de Pasqua une vraie réflexion sur notre ère anthropocène, sur les rapports de l’homme à la nature, à la vie et à la mort, et chez l’artiste une émotion qu’il cherche à partager. Son silence ou le peu d’idées exprimées devant ses œuvres le soir du vernissage ne nous permettent pas d’apprécier la profondeur de cette réflexion ou de cette émotion. Pasqua n’est sans doute pas un homme de discours, préférant laisser ses œuvres parler d’elles-mêmes, comme nombre d’artistes. On repart toutefois avec beaucoup d’interrogations sur le sens et l’originalité d’une œuvre qui fleure surtout le marketing. Mais avec le plaisir d’avoir découvert le très beau domaine de Chamarande et son parc, qui a eux seuls méritent votre venue.

Elisabeth Hopkins et Catherine Rigollet

Visuels page expo : Philippe Pasqua, Philippine, 2017. Photo C.R.
P. Pasqua, Who should be scared ?, 2016. Photo C.R
Portrait de Philippe Pasqua, 31 mai 2018. Photo E.H
Vue du Domaine de Chamarande.
Visuel vignette : P. Pasqua, Orso, 2015. 180 x 160 cm. Huile sur toile. © P.Pasqua.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 31 mai au 30 décembre 2018
Domaine Départemental de Chamarande,
Chamarande, Essonne
(RER C à 200 m du Domaine)
Parc ouvert tous les jours de 9h à 20h
(18h en octobre, 17h en novembre et décembre)
Château ouvert de 14h à 19h de juin à septembre,
(à partir de 13h les samedi et dimanche)
et jusqu’à la fermeture du parc en octobre, novembre et décembre)
Fermé le lundi et mardi.
Entrée libre
www.chamarande.essonne.fr