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Pierre-Yves Bohm met en peinture ce qu’on ne peut visualiser

Depuis les années 1970, Pierre-Yves Bohm, né en 1951 à Roncq dans le Nord, construit son œuvre autour de la figure et des vicissitudes de l’humanité. Si son travail a longtemps été associé à l’art brut quand il évoque les reliquaires de l’art populaire (Mur de larmes, 1986), renvoyant parfois aussi aux fétiches de l’art africain, comme Territoire d’un parcours de vie (2015), un assemblage de « reliques » (non sacrées) reconstruit à partir d’une ancienne œuvre très abîmée, l’artiste formé aux beaux-arts de Tourcoing, où il vit, situe lui-même ses sources dans la tradition de la peinture occidentale. Toutefois, sa singularité ne manque pas de faire écho à celle d’artistes à l’art buissonnier, tels que Louis Pons, Marie Morel, Étienne-Martin, Fred Deux ou Joseph Cornell.

Et à l’instar d’Eugène Leroy, rencontré en 1980 à Paris à la galerie Jean Leroy, et avec lequel il est longtemps resté proche, Pierre-Yves Bohm en homme du Nord parle davantage de lumière que de peinture. Une lumière, comme un acte de révolte intérieur qui vient embraser une œuvre forte et troublante dans laquelle on sent l’implication physique et mentale de l’artiste. Une peinture d’une grande richesse, qui mêle les techniques, jouant avec les collages, les coutures, les superpositions, les clairs-obscurs, faisant curieusement jaillir la couleur de derrière la toile piquée de milliers de trous d’épingles comme les pores de la peau. Ajoutant des éléments divers et inattendus : fragments de miroirs, de textiles ou de toiles peintes, boules de terre malaxées et mordues, petits sacs de textiles suspendus. Fichant parfois dans la toile de fines tiges de métal sur lesquelles sont accrochées des fragments de couches picturales, comme dans Le Baiser, 2003. Comme une mise à distance de la peinture. Presque dans l’espace.

En 2021, grâce au mécénat du Cercle Poussin, trois œuvres de l’artiste ont rejoint les collections du musée des Beaux-Arts de Lyon : Sans titre (1985-2016), Mise à nu (2010) et Cartographie des conflits du 20e siècle (2018). Deux ans plus tard, le don du collectionneur et mécène Antoine de Galbert offre au musée un ensemble de sept œuvres de l’artiste, auquel s’est ajouté Territoire d’un parcours de vie (2015), donné par Isabelle et Bruno Mory, ainsi que deux autres œuvres, dont Visage (1993), grâce à Brigitte et Jacques Gairard.

Cet accrochage d’une vingtaine d’œuvres permet de présenter pour la première fois au public ces acquisitions, accompagnées de quelques prêts. Il remet d’actualité la beauté et la sincérité d’un travail sans concession, lentement élaboré, obsessionnel, qui interpelle notre regard sur les noirceurs et les meurtrissures de l’homme, sans jamais nous faire perdre espoir.

Catherine Rigollet

Archives expo en France

Infos pratiques

Jusqu’au 22 janvier 2024
Musée des beaux-arts de Lyon
20, place des Terreaux 69001
Tous les jours, sauf mardi
De 10h à 18h
Collections permanentes : 8€
Expositions temporaires : 12€
https://www.mba-lyon.fr


En savoir plus sur l’œuvre de Pierre-yves Bohm.


Visuels :
 Pierre-Yves Bohm, Visage gris aux céramiques, 1994. Don Antoine de Galbert, 2023. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette.

 Pierre-Yves Bohm, Le Baiser, 2003. Don Antoine de Galbert, 2023. Image © Lyon MBA - Photo Martial Couderette

 Pierre-Yves Bohm, Mise à nu, 2010. Don du Cercle Poussin, 2021. Image © Lyon MBA Photo Martial Couderette.

 Pierre-Yves Bohm, Territoire d’un parcours de vie (détail), 2015. 200 x 58 x 50 cm. Don Isabelle et Bruno Mory. Courtesy galerie B. Mory, Besanceuil (71).