Vous consultez une archive !

Pissarro à Pontoise

Pas question que Pontoise passe à côté de la célébration du cent-cinquantième anniversaire de l’Impressionnisme qui a essaimé en 2024 dans toute la France et même le monde entier ! On sait que le nord-ouest de la région parisienne par ses paysages et ses sujets, entre Seine, Vexin et Oise, a été un des creusets majeurs du mouvement impressionniste, et au-delà avec Cézanne, Gauguin et Van Gogh qui sont venus y peindre à différents moments de leur vie.
Pontoise, capitale du Vexin français et aujourd’hui labellisée « ville d’art et d’histoire », peut se targuer d’avoir accueilli Camille Pissarro (1830-1903), « le premier des Impressionnistes » entre 1866 et 1882, le peintre et sa famille s’y installant même entre 1872 et 1882. De cette époque d’émergence et d’effervescence de l’Impressionnisme, Pissarro fut un des pivots majeurs, inventant en quelque sorte un « atelier de l’Oise » avec tous les amis et confrères qui vinrent le rencontrer ou peindre avec lui à Pontoise et ses environs, comme Cézanne et Gauguin. Devenu figure artistique tutélaire de Pontoise, la ville donna le nom de Camille Pissarro en 1980 à un musée, installé dans une grande demeure de la fin du XIXe siècle sur le site de l’ancien château dominant l’Oise, rebaptisé depuis Musée d’art et d’histoire Pissarro-Pontoise. (MAHPP)

Parcours de vie et de création

C’est donc dans ce musée que se déploie l’exposition « Pissarro, sur le chemin de Pontoise », une rétrospective biographique et artistique focalisée sur l’œuvre pontoisienne du peintre sans négliger ce qui l’a amené à Pontoise et ce qu’il y a laissé comme traces et influences. Un chemin de vie autant qu’un chemin de création. Alors qu’il s’apprête à quitter Pontoise pour la ville voisine d’Osny, Pissarro écrit en 1882 à son ami Monet qu’il incite depuis plusieurs années à venir habiter au bord de l’Oise : « Selon moi, Pontoise, à tous les points de vue, me convenait ; […] Le pays est très sain, […] dans le bas, le long de l’Oise, il y règne des brouillards ; les maisons sont bâties dans les marais desséchés. Il fait froid sur les côtes, l’air très vif […] J’oubliais, le pays est très beau. » (*)

Sur deux étages et huit salles, le parcours chronologique de l’exposition associe œuvres (toiles, dessins, gravures) de Pissarro, de ses amis ou collègues (Édouard Béliard, Ludovic Piette, Armand Guillaumin…) et de ses cinq fils (**), et archives familiales ou critiques d’époque (photos, citations, extraits d’articles et de correspondances, pièces administratives…). On trouve la plupart de ces documents didactiques dans les vitrines ou les tiroirs de commodes qu’il ne faut pas hésiter à ouvrir ! Entre les œuvres d’art et les pièces d’archives (photos et petites toiles de Clovis Cousin notamment), cette exposition offre aussi une plongée dans le Pontoise du XIXe siècle, ses rythmes et ses jours.

Le musée s’enrichit

Le seul tableau de Pissarro appartenant jusqu’alors au musée pontoisien (qui dispose cependant d’une importante collection de ses dessins et gravures), Péniche sur la Seine (1863), est mis en évidence dès la première salle entre une toile de Corot et une toile de Daubigny, deux influences majeures du peintre impressionniste. Mais le grand intérêt de cette exposition est de bénéficier de prêts exceptionnels des musées d’Orsay (Autoportrait de 1873, La Diligence, route d’Ennery, La Côte des Mathurins, Un coin de jardin de l’Hermitage), de Douai (La Sente du Chou) et du Havre (Pommiers et peupliers au soleil couchant). D’ailleurs La Diligence… devrait rester en dépôt permanent au MAHPP. Le jeune commissaire de l’exposition et nouveau responsable du musée, Vincent Pruchnicki, est plein d’ambition pour son musée autour duquel il mobilise ces derniers temps les musées potentiellement prêteurs, les Amis du musée Pissarro, la descendance du peintre et le CNAP (Centre national des arts plastiques).

D’ici 2030, quatre autres tableaux conservés à Orsay devraient rejoindre le musée, prochainement une vue de Vétheuil par Monet et une toile de Victor Vignon. Le musée Faure d’Aix-les-Bains, bientôt en travaux, doit aussi déposer trois tableaux au MAHPP. « Mon objectif, déclare le jeune directeur, est que la collection permanente expose en continu des toiles de Pissarro. Après janvier, elle devrait rester dans le « squelette » de cette exposition temporaire. » L’an prochain, un faux Pissarro conservé au Palais des Beaux-Arts de Lille, et découvert en 1925 par son fils Ludovic-Rodolphe, devrait rejoindre les bords de l’Oise. Ainsi, entre Auvers et Giverny, Pontoise comme source d’inspiration de tant de peintres est en train de devenir un passage obligé pour pénétrer au cœur de la fabrique impressionniste, mais aussi dans l’univers des devanciers et des successeurs de ce mouvement artistique majeur.

Jean-Michel Masqué

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 19 octobre 2024 au 19 janvier 2025
Musée d’art et d’histoire Pissarro-Pontoise
17, rue du Château à Pontoise (Val-d’Oise)
Du mercredi au dimanche (sauf jours fériés), de 11h à 12h30 et de 13h30 à 18h.
Plein tarif : 7 € (gratuit le premier dimanche du mois)
Tél. 01 30 73 90 77
www.ville-pontoise.fr/le-musee-camille-pissarro


Visuels :

 Camille Pissarro, Péniche sur la Seine aux environs de La Roche-Guyon. Huile sur toile, 1863-1864, musée d’art et d’histoire Pissarro-Pontoise.

 Camille Pissarro, La Diligence, route d’Ennery, dans le quartier de l’Hermitage, Pontoise. Huile sur toile, 1877. Prêt exceptionnel du musée d’Orsay. Photo : L’Agora des Arts.

 Camille Pissarro, Un coin du jardin de l’Hermitage, Pontoise. Huile sur toile, 1877. Prêt exceptionnel du musée d’Orsay. Photo : L’Agora des Arts.

 Pissarro Camille, La Sente du Chou, huile sur toile, 1878, ancienne collection de Camille Pissarro, exposé chez Paul Durand-Ruel en 1892, vendu en 1928 par la descendance du peintre, musée de la Chartreuse, Douai.

 Guillaumin, Cézanne et Pissarro à Pontoise, vers 1872 (de gauche à droite). Archives du musée d’art et d’histoire Pissarro-Pontoise.

 Félix Pissarro dit « Jean Roch », Promenade à Kew gardens (Femme et sa fille se promenant dans un parc), 1896-1897, musée d’art et d’histoire Pissarro-Pontoise.

 Edouard Béliard, Le Quai du Pothuis, 1875, Musée intercommunal d’Etampes.

 Gustave Caillebotte, Argenteuil, 1888. Huile sur toile, collection du Conseil départemental du Val d’Oise.

 Ludovic Piette, Un coin du Jardin des Mathurins chez Maria Deraismes à Pontoise, gouache sur carton, 1874, collection privée.


(*) Dans un essai clairvoyant écrit dans le catalogue de l’exposition « Camille Pissarro et les peintres de la vallée de l’Oise » (2003-2004), Christophe Duvivier, ancien directeur des musées de Pontoise, justifiait ainsi l’attirance de Pissarro vis-à-vis de Pontoise jusqu’à y vivre pendant dix ans : « Outre la neutralité du site, ce choix répond à une série de questions d’ordres matériel, esthétique et humain. Les paramètres matériels se trouvent satisfaits par la proximité de Paris et l’existence du chemin de fer. La dimension esthétique repose sur la diversité des paysages : fluviaux avec les rives de l’Oise qui rappellent aussi bien la Marne que la Seine ; ruraux avec la présence de fermes et de petites exploitations maraîchères dans les faubourgs ; urbains avec les attributs et les animations d’une petite capitale provinciale, les églises, les marchés, les foires et les fêtes ; enfin industriels avec la présence de quelques usines. Surtout, ces divers univers qui se trouvaient imbriqués dans un paysage relativement peu étendu et néanmoins typique de l’Île-de-France, convenaient à la vision réaliste de Pissarro. » (p.55).

(**) Les cinq fils de Pissarro devinrent peintres : Lucien (1863-1944), Georges (1871-1961), Félix (1874-1897), Ludovic-Rodolphe (1878-1952) et Paul-Émile (1884-1972).