Le musée des cultures et du paysage d’Hyères (Var), où le peintre Raoul Dufy séjourna à plusieurs reprises, remet en lumière ses chatoyants motifs sur tissu avec un large choix de textiles et de robes, dévoilant le fruit de sa collaboration avec la haute couture, l’univers du textile et ses sources d’inspiration : fleurs, bestiaire, mythes, abstraction et scènes de vie.
Après l’exposition du musée du quai Branly autour du « fil d’or », celle du Grand Palais sur le couturier Worth et enfin la grande manifestation du Louvre mettant en scène objets d’art et tenues de grands couturier c’est Hyères qui prend le relai. Dans une très belle scénographie orchestrée par Frédéric Beauclair, la Banque, le musée de la ville aux palmiers, présente « Raoul Dufy et la mode ». Grand coloriste, Dufy (1877-1953) met son talent au service des tissus en 1911. Paul Poiret, le couturier avant-gardiste, est séduit par le graphisme de Dufy révélé dans ses gravures pour le Bestiaire d’Apollinaire. Dufy, Poiret et le chimiste Zifferlin installent alors « La Petite Usine » où ils expérimentent inventions techniques et création artistique. Ouverte avec trois personnes, la Petite Usine emploiera bientôt une centaine de participants. Un an plus tard, en 1912, Bianchini Férier, la prestigieuse maison de soierie lyonnaise, signe un contrat avec Dufy à la suite d’une rencontre avec Paul Poiret. Dufy est libre de créer avec les chimistes, les graveurs ou les tisseurs de la maison. Mieux, Charles Bianchini met un bureau d’étude à la disposition du peintre.
C’est ce travail, grâce aux cinquante-cinq pièces prêtées par la maison Brochier (qui a racheté Bianchini Férier en 2002), qui est présenté à La Banque. L’exposition est organisée autour de cinq thèmes, le bestiaire, les fleurs, les mythes, les scènes de vie et enfin l’abstraction ; ce dernier sujet étant réservé au sous-sol de La banque dans l’ancienne salle des coffres, une première.
Le plus spectaculaire de l’exposition est un podium mettant en scène vingt-cinq mannequins. Deux tenues d’époque sont signées Poiret. Les autres ont été créées entre 1910 et nos jours par des grands créateurs tels Karl Lagerfield et sa sublime robe à motif de gouttes/écailles blanches sur fond noir pour Chanel ou Christian Lacroix et sa robe Corrida. Mais aussi par des costumiers comme Anthony Powell (costumes pour les personnages de My Fair Lady) ou Catherine Leterrier (robe pour La Traviata aux Chorégies d’Orange en 2009). Tous ont choisis des motifs d’échantillons de tissu de Dufy, tissés ensuite en grand pour réaliser des vêtements.
À l’entrée de l’exposition une première petite salle met en situation un bureau de chez Bianchini Férier. Ici sont accrochés des échantillons de tissus colorés imaginés par Dufy. Suivent des salles thématiques où sont encadrés les grands dessins du maître, notamment les fleurs (arums, pivoines, bleuets…). Les mythes et merveilles montrent des échantillons de tissus encadrés inspirés par Pégase, Athéna ou Orphée au registre coloré plus sombre. Le bestiaire stylise tortues, chevaux, éléphants, guépard avec les couleurs chaudes chères au peintre. Enfin les scènes de vie, sport, corrida, monuments de Paris, loisirs se développent sur de grands carrés, en soie pour la plupart, à la manière de grands foulards.
La dernière scène revient sur les débuts de La Petite Usine. Un tableau du peintre y montre les trois protagonistes du début et une grande photo immortalise Paul Poiret « Le Magnifique » entouré de ses mannequins. Juste en dessous trône un grand châle tissé en fil d’or par Bianchini, signé Poiret. La fantastique épopée reliant Raoul Dufy, Paul Poiret et Charles Bianchini se clôt dans l’abstraction au sous-sol. Une exposition vivante, colorée où trois talents se sont associés pour inventer des motifs toujours actuels.
Françoise Chauvin








