De Lascaux, où il analyse la naissance de l’art (La Peinture préhistorique. Lascaux ou la naissance de l’art), à Les Larmes d’Eros , son histoire illustrée de l’érotisme, en passant par Manet dont il a écrit une monographie, Georges Bataille (1897-1962) a toujours entretenu avec l’art et les artistes des relations de grande connivence dans son œuvre comme dans sa vie. Il n’est donc pas incongru que le musée Zervos de Vézelay, consacré à l’avant-garde artistique entre 1920 et 1950, ouvre une exposition temporaire dans sa « Maison du jardinier » à trois éminents illustrateurs de l’œuvre de Bataille, André Masson, Jean Fautrier et Hans Bellmer, le premier ayant même entretenu une longue amitié avec le chartiste et bibliothécaire sulfureux. Il est le dédicataire de Le Bleu du ciel, le célèbre roman de Bataille achevé en 1935 et publié en 1957. De surcroît, Bataille se réfugia quelques mois à Vézelay en 1943, au 59 de la rue Saint-Etienne, près de la maison de Romain Rolland occupée aujourd’hui par le musée Zervos, y rencontrant celle qui devint sa seconde femme, Diane Kotchoubey de Beauharnais, revenant y vivre entre 1945 et 1949, puis y effectuant de nombreux séjours jusqu’à sa mort. Il est d’ailleurs inhumé dans le petit cimetière proche de la basilique. L’art, la littérature et le sacré sont étroitement liés aux pieds de la basilique Sainte-Marie-Madeleine. Et sans doute aussi l’érotisme que Bataille a toujours frotté au religieux : « Le sens de l’érotisme échappe à quiconque n’en voit pas le sens religieux. Réciproquement, le sens des religions échappe à quiconque néglige le lien qu’il présente avec l’érotisme. » Pour cette exposition, des musées nationaux et des collectionneurs privés ont prêté une cinquantaine d’œuvres (dessins, gravures, toiles) des trois artistes, illustrateurs des œuvres érotiques de Bataille longtemps diffusées sous pseudonyme et sous le manteau : Histoire de l’œil, Le Mort, Madame Edwarda... Dans une transgression teintée de surréalisme, sous l’ombre tutélaire de Sade et de Nietzsche, les esthétiques puissantes, troublantes et menaçantes se répondent pour fonder une confrérie artistique qui bouleversa la vision du monde, l’art et la littérature françaises, des années vingt aux années cinquante. Dans ce siècle de fer, la mort et l’érotisme ont tissé d’étranges ballets d’une fulgurance qui n’a pas fini d’étonner et de déranger.
Jean-Michel Masqué
Visuel page expo : André Masson, Le Balisier, 1941. Encre de Chine, 50 x 37,5 cm [à vue]. Titré à l’encre en haut à droite : Le Balisier. Signé et daté à l’encre en bas à droite : André Masson. 41 Collection Yves de Fontbrune (visuel de l’affiche).
Visuel page d’accueil : andré Masson, Métamorphoses, 1928. Huile sur toile, 59,5 x 73 cm. Collection particulière, courtesy galerie Jean-François Cazeau, Paris