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Boris Taslitzky (1911-2005). Défendre l’utopie des jours meilleurs

À la fois témoin et acteur des grands bouleversements de son temps (guerre d’Espagne, Front Populaire, Résistance, déportation, combats anticolonialistes, …), Boris Taslitzky (1911-2005) a fait de sa vie un combat de militant et de son œuvre un engagement à défendre un « réalisme à contenu social » dans une peinture souvent sombre, entre martyrologie et glorification.

Dans la grande tradition des peintres d’histoire, de David à Courbet, cet artiste, né à Paris d’un père ingénieur né en Ukraine et d’une mère couturière née en Crimée, témoigne de ce qu’il a vécu, et de ce qu’il a vu, avec un immense talent de dessinateur et la ferveur d’un peintre à la veine expressionniste. Et c’est dur, bouleversant, poignant d’humanité. En une cinquantaine de peintures, souvent monumentales, mais aussi en dessins au trait fulgurant, Taslitzky parle de lui (portraits de sa famille et nombreux autoportraits réalisés tout au long de sa vie), mais surtout nous fait partager ses convictions et ses révoltes.

La foule est partout dans l’œuvre de Taslitzky. Dense, colorée, expressionniste, grondante, qu’il s’agisse de représentation des grèves chez Renault dans les années 1930, celles de juin 1936 ou la Commémoration de la Commune au cimetière du Père-Lachaise en 1935 et 1936. Elle est tout aussi nombreuse, mais décharnée, dénudée, moribonde dans ses aquarelles réalisées en cachette au petit camp de Buchenwald en 1945 où il a été déporté. « Nous voulions créer, donc rester des humains ». Grâce au soutien de camarades qui ont réussi à récupérer sa boite d’aquarelle confisquée à son arrivée, il réalise plus de deux-cents dessins et aquarelles. La libération lui inspire d’immenses tableaux où il crache l’enfer vécu, mais que personne ne veut plus entendre ni voir.

Fin de la guerre. En décembre 1946, Taslitzky a repris son pinceau de militant. Il est à Denain, dans le Nord, visite les usines pour décrire le gigantisme industriel, descend au fond de la mine pour témoigner du labeur des ouvriers. Dans son tableau Les Délégués (1948), il campe avec des silhouettes massives et fières, des visages décidés, la force tranquille d’un monde ouvrier syndiqué face au patronat. Il reprend l’un de ces fondeurs pour un portrait dans lequel il devient à lui seul le symbole de toute la classe ouvrière (Le Délégué, 1948). En janvier 1952, à l’invitation des Partis communistes français et algérien il sillonne l’Algérie, croquant sur le vif le dénuement d’un peuple, mais aussi sa dignité et sa colère. Comme ces Émeutes à Oran (1952), montrant des gardes mobiles chargeant les grévistes et où les femmes, venues défendre leur mari, leur frère ou leur fils, affrontent la police à coups de pierre.
De retour à Paris, c’est vers la banlieue que Taslitzky se tourne. Entre 1965 et 1972, il réalise une série de dessins dans la « ceinture rouge » du Nord-Est parisien pour témoigner cette fois de la mutation urbaine. Des œuvres à l’encre, finement dessinées, fourmillant de détails dans un souci quasi documentaire, qui nous apparaissent aujourd’hui empreintes des utopies des années 1960, mêlant pittoresque et modernité, promesses d’un monde meilleur à venir.

Catherine Rigollet

Visuels : Willy Ronis, Boris Taslitzky dans son atelier, vers 1950 (détail). Photographie.
Boris Taslitzky, Le Délégué, 1948. Huile sur toile, 198 x 117 cm. Musée national de l’histoire de l’immigration – Palais de la Porte dorée.
Boris Taslitzky, Le Petit Camp à Buchenwald, 1945 (détail). Huile sur toile, 300 x 500 cm. Centre Pompidou. Peinture réalisée à partir d’une aquarelle sur papier réalisée au Petit Camp (bloc 34).
Photos : L’Agora des Arts.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 19 mars au 29 mai 2022
PROLONGATION JUSQU’AU 19 JUIN
La Piscine
23, rue de l’Espérance 59100 Roubaix
Du mardi au jeudi, de 11h à 18h
Le vendredi, de 11h à 20h
Samedi et dimanche, de 13h à 18h
Tarif plein : 11€
www.roubaix-lapiscine.com
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À voir aussi à La Piscine, jusqu’au 29 mai 2022 : Johan Creten. Bestiarium.