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Art contemporain et biomimétisme au jardin à Chaumont-sur-Loire

Belle sélection d’artistes contemporains cette année encore au Domaine de Chaumont-sur-Loire. Entrée en matière monumentale dans les bâtiments de la cour de la ferme avec une imposante tenture murale constituée de milliers d’étiquettes en aluminium de bouteilles d’alcool du grand artiste ghanéen El Anatsui, qui fait l’objet d’une exposition personnelle à la Conciergerie à Paris jusqu’en novembre. Tissage neuronal avec une œuvre noire et arachnéenne de la japonaise Chiharu Shiota qui n’en finit pas de tisser sa toile (Direction of Consciousness). Plus loin, L’arbre à palabres, délicate suspension constituée de calamus, témoigne de la passion de Carole Solvay pour la légèreté d’être et les oiseaux . François Réau a fait rentrer le ciel à l’intérieur des galeries de la Cour Agnès Varda avec ses « merveilleux nuages » dessinés en noir et blanc, ses uniques couleurs. Comme Victor Hugo a misé sur le noir dans ses dessins pour en faire jaillir la lumière, François Réau a choisi le noir pour retrouver les traces du passé. Il y a dans son choix une quête autant picturale que symbolique. Son noir est d’abord un résidu qui évoque une maison d’enfance calcinée et la mémoire d’un grand-père bougnat. Il nous offre ici un paysage physique et mental d’une envoûtante et fragile beauté.

Dans le château, coup de cœur pour la bibliothèque de livres cristallisés de Pascal Convert. La trace, l’empreinte, sont au cœur de la création de cet artiste hanté par la question de la mémoire et qui a récemment fait couler de l’encre avec sa reconstitution à partir du scan 3D du squelette du cheval « Marengo » (le cheval préféré de Napoléon Bonaparte) conservé au National Army Museum à Londres, suspendue au-dessus du tombeau de Napoléon aux Invalides. Ici, dans ce lieu qui accueillit la bibliothèque des Broglie, détruite par un incendie en 1957, ses livres figés dans le verre pour l’éternité prennent un sens d’autant plus émouvant. En passant de pièce en pièce, ne manquez surtout pas pas la discrète Éclosion (2018) de Simone Pheulpin, cette plasticienne qui avec du coton finement roulé confectionne d’admirables sculptures trompe-l’œil imitant du bois fossilisé ou des concrétions géologiques.

Si de Jean Dubuffet (1901-1985) on connait surtout les imposantes sculptures, l’estampe est profondément liée à son œuvre peinte. Sa série Phénomènes (1958-1962), dont une importante sélection est ici exposée, comprend dans sa totalité 324 planches lithographiques ; chaque planche célébrant un des phénomènes naturels du monde, pour le révéler. On peut y trouver des empreintes de sols, de pierres, de murs, de végétaux, d’eau ; des traces indéfinies qui laissent place à l’imagination.
L’exposition majeure au château est consacrée à Paul Rebeyrolle (1926-2005), dévoilant une série de paysages souvent monumentaux dans lesquels la matière végétale y joue un rôle de plus en plus prédominant, transformant la toile en sculpture vivante tant les matériaux collés (branches, paille, grillage...) donnent une impression de réalité fulgurante, tel ce magistral Vieux saule ou cette grandiose Barrière effondrée autour d’un saule Têtard dénudé par l’hiver. Pas de demi-mesure, pas de discours chez Paul Rebeyrolle, mais une peinture, physique, figurative, herculéenne et généreuse, nourrie par un appétit pour le réalisme toujours prêt à en découdre avec la matière.

Bien sûr Chaumont-sur-Loire, outre son magnifique parc aux cèdres centenaires et son belvédère dominant l’indomptable Loire, c’est aussi une ode à l’art des jardins paysagés. Avec en 2021 la nature comme source infinie d’inspiration offerte à une trentaine de concepteurs internationaux. Un peu bateau comme thématique avec le risque -avéré- de nombreux déjà vus et des textes explicatifs tentant d’ajouter du sens à des compositions végétales qui trop souvent se ressemblent. Si nous devions désigner un gagnant 2021, ce serait Le jardin de la Fontaine anémone de Jean-Philippe Poirée-Ville et ses bouées végétalisées flottant sur un bassin se transformant jour après jour en pelouse sauvage continuellement irriguée par une fontaine de jouvence. Un apaisant et mystique hymne à l’eau, dénominateur commun de la plupart des créations de cette édition sur le biomimétisme au jardin, dont on ne se lasse pas d’écouter la petite musique.

Catherine Rigollet

Visuels : François Réau, Nuages, 2021. Carole Solvay, L’arbre à palabres. Paul Rebeyrolle, La Barrière, 2000. Pascal Convert, Livres. Jean-Philippe Poirée-Ville, Le Jardin de la fontaine anémone, 2021.
Domaine de Chaumont-sur-Loire, août 2021. Photos : L’Agora des arts.

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Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Jusqu’au 1er novembre 2021
Domaine de Chaumont-sur-Loire (41)
Tous les jours, 10h-18h
Tarif plein : 19€
www.domaine-chaumont.fr