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Georg Baselitz. Rétrospective

Le Centre Pompidou présente un imposant tour d’horizon de l’œuvre de l’artiste allemand, âgé aujourd’hui de 83 ans. Quelque six décennies de création sont abordées selon un parcours chronologique qui met en valeur les périodes les plus marquantes de son travail. De ses premières peintures marquées par la guerre, aux motifs renversés dès 1969.

Georg Baselitz (né en 1938 à Großbaselitz, près de Dresde), de son vrai nom Hans-Georg Kern, n’a pas toujours peint à l’envers comme la métaphore d’une impossible continuité de l’histoire. En témoignent ses premières peintures qui ouvrent l’imposante et somptueuse rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou. Dans une figuration à laquelle il reste attaché, il y rend compte de sa vision de la société allemande de l’après-guerre meurtrie par son passé national-socialiste. Des œuvres violentes (comme sa série des pieds nus et blessés), criantes et érotiques avec ce motif provocateur et récurrent du sexe dressé et démesuré comme dans La Grande nuit foutue (1962-63) ; un personnage abîmé inspiré de l’anecdote d’une lecture du poète irlandais Brendan Behan (1923-1964) pendant laquelle celui-ci a ouvert son pantalon. Une œuvre qui fera scandale, mais que l’artiste revisitera dans la série Remix en 2005, donnant clairement au personnage l’allure du dictateur. Dans ces grandes peintures, le trait est expressif et rageur, les coups de pinceau larges. La peinture encore épaisse et sombre va se liquéfier et se colorer au fil des années.

En 1969, tournant la page des « tableaux fracturés » dans lesquels il découpait et recombinait les motifs comme dans Pour Larry, 1967 où l’arbre et le corps d’un homme sont éclatés comme les pièces d’un puzzle, il entame sa première série de tableaux aux motifs entièrement renversés qui va devenir sa marque de fabrique. Le sujet est dès lors relégué au second plan, seule compte la technique picturale. Portraits (comme celui de son galeriste Michael Werner), autoportraits, arbres, animaux, maisons, renvoient à sa vie, à l’histoire de l’Allemagne en guerre, divisée puis réunie, à l’histoire de l’art, aux artistes dont il aime l’œuvre, tel Courbet (Bonjour Monsieur Courbet, 1965), Eugène Leroy dont il a découvert l’œuvre au début des années 1960, à la galerie Claude Bernard à Paris et à côté de qui il sera confronté lors d’une exposition à Tourcoing en 2014, ou encore A.R. Penck, qui comme Baselitz incarne aux côtés de Markus Lüpertz, Sigmar Polke et Jörg Immendorff la peinture allemande de l’après-guerre. Il sculpte aussi des personnages en bois, surdimensionnés. Des œuvres totémiques, taillées à la gouge, anguleuses et primitives, influencées par la sculpture africaine, l’Art brut, l’art populaire, les dessins et les écrits d’Antonin Artaud.

À partir de 2005, Georg Baselitz, qui a quitté son château de Derneburg pour emménager en Bavière, sur les rives de l’Ammersee, dans une maison-atelier conçue par Herzog et de Meuron, revisite ses propres tableaux au sein du cycle Remix. Sa peinture est devenue aussi fluide que l’aquarelle. Ses couleurs lumineuses. Dans ces nouvelles compositions de très grands format, proches de l’abstraction, les silhouettes (lui et sa femme Elke le plus souvent) se fondent dans la matière, deviennent évanescentes, suggérant le corps vieillissant et fragile de l’artiste. Des images quasi méditatives, testamentaires.

Catherine Rigollet

Visuels : Georg Baselitz, Die großen Freunde (Les Grands Amis), 1965. Huile sur toile, 252 × 301.5 cm. Museum Ludwig, Cologne. Don de la collection Ludwig, 1994 © Georg Baselitz 2021. Debout dans un champ de ruines, un drapeau rouge rapiécé gisant à leurs pieds, ce couple de survivants blessés incapables de se prendre par la main symbolise la division tragique de l’Allemagne d’après-guerre.
Georg Baselitz, In der Tasse gelesen, das heitere Gelb (Lu dans la tasse, le jaune enjoué), 2010. Huile sur toile, 270 × 207 cm. Collection particulière, Hong Kong © Georg Baselitz 2021. Plongé dans ses souvenirs et dans la réinterprétation de ses anciens tableaux, Baselitz reprend ici le premier double autoportrait qu’il peint de lui et sa femme en 1975, intitulé Schlafzimmer (Chambre à coucher). Alors que le tableau de 1975 représentait le couple nu, assis dans une posture souple, dans des couleurs pures et vives, ici, les deux amants semblent vieillis et fatigués.
Portrait de Georg Baselitz, 21 octobre 2021. Centre Pompidou.
Visuel vignette et page d’accueil : Die Mädchen von Olmo II (Les Filles d’Olmo II), 1981. Huile sur toile, 250 × 249 cm. Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris.
Photos L’Agora des Arts

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 20 octobre 2021 au 7 mars 2022
Centre Pompidou
Tous les jours de 11h à 21h, sauf le mardi
Tarifs : 14 € / 11 € / Gratuit - de 18 ans
www.centrepompidou.fr


A noter : Pendant toute la durée de l’exposition « Baselitz – La rétrospective » présentée au Centre Pompidou, la sculpture de Georg Baselitz, « Zero Dom » (2020), haute de 9 mètres, restera installée devant l’Académie des beaux-arts, sur le parvis de l’Institut de France (Paris VIe).