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La couleur en fugue : Gilliam, Parrino, Toroni, Grosse, Rooney

Au-delà de la métaphore musicale et de l’idée de mouvement, il s’agit aussi dans l’exposition « La Couleur en fugue », d’une fuite de la peinture des toiles vers les sols et les murs de la Fondation Vuitton. Invités, les cinq artistes de la scène internationale, d’origines et de générations différentes ont investi des galeries du dernier niveau de la Fondation avec des œuvres monumentales, éclaboussant de couleurs l’architecture de Frank Gehry.

Sam Gilliam (États-Unis, 1933), figure majeure de l’abstraction picturale de la seconde moitié du XXe siècle, y déploie ses grands drapés de plusieurs mètres de long, marbrés de peinture multicolores à l’acrylique et à la poudre d’aluminium. Des peintures-sculptures inspirées de l’improvisation qui caractérise le jazz et qui témoignent de la condition afro-américaine. Un choix esthétique formulé par un artiste engagé dans le mouvement des droits civiques.

En vis-à-vis, déformées et montées sur châssis ronds ou chiffonnées et ligotées au sol, les toiles de Steven Parrino (États-Unis, 1958-2005) entendent traduire la violence et les excès de la société américaine par leur torsion, déchirure, lacération. Une radicalité qui s’exprime en monochrome noir, mais aussi en argent ou en rose vif. La vie de cet artiste qui souhaitait être un miroir du monde, s’est brisée net sur une route de Brooklyn le 1er janvier 2005.

Mieux connu du public français, Niele Toroni (Suisse/France, 1937) est un artiste minimaliste qui depuis plus de 40 ans couvre toiles -et ici murs- de points espacés de 30 centimètres, touches de pinceau n°50 (large de 50 millimètres). Et puis c’est à peu près tout. Si c’est -on espère- encore passionnant pour lui, c’est un peu lassant pour nous, froid et sans émotion.
Plus joyeuse, la peinture performative de Megan Rooney (Afrique du Sud/Royaume-Uni, 1985) éclabousse de ses grandes vibrations colorées murs, sols et plafonds d’une vaste salle, nous immergeant dans un paysage abstrait tendrement acidulé. Décoratif, mais séduisant.

Tout aussi XXL, mais plus complexe est la peinture de Katharina Grosse (Allemagne, 1961). Cette habituée des interventions in situ, qui explore depuis la fin des années 1990 les potentialités de la peinture au-delà des limites du cadre et de la toile, a spécialement conçu pour l’immense Galerie 10 une structure en bois composée de formes triangulaires superposées qui semblent glisser vers le sol, pointes vers le bas, dans une lumineuse chorégraphie en bleu et rouge qui se poursuit sur les murs et au sol avec de grands balayages de vert prairie et de jaune citron réalisés avec un pistolet-pulvérisateur à la manière d’Hartung. Une ivresse et une puissance dans l’expression qui traduit un vrai bonheur à peindre. Et chez tous ces artistes une libération de la couleur devenue maîtresse du jeu.

Catherine Rigollet

Visuels : Sam Gilliam, Carousel Forme II, 1969. Acrylique et poudre d’aluminium sur toile. 304,8 x 2286 cm. Speed Art Museum, Louisville, Kentucky. Photo © L’Agora des Arts.
Katharina Grosse, Splinter, 2022. Acrylique sur contreplaqué, mur et sol. 1750 x 1000 x 2200 cm. Photo © L’Agora des Arts.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 4 mai au 29 août 2022
Fondation Louis Vuitton
8, Avenue du Mahatma Gandhi Bois de Boulogne, 75116 Paris
Lundi, mercredi, jeudi, 11h-20h
Vendredi 11h- 23h
Samedi et dimanche 10h20h
Fermé le mardi
Tarif plein : 16€
www.fondationlouisvuitton.fr


À voir aussi à la Fondation Vuitton, du 18 mai au 29 août 2022 : Simon Hantaï (1922-2008). L’exposition du centenaire. Sous le commissariat d’Anne Baldassari, une exposition rétrospective inédite rassemblant quelque 150 œuvres de l’artiste français dont beaucoup jamais exposées, pour la plupart de grands formats et centrée sur les années 1957-2000. https://lagoradesarts.fr/-Simon-Hantai-L-exposition-du-centenaire-.html