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Marie Bovo : Nocturnes

Retenir le temps, immortaliser ce qui disparait, voilà l’art de la photographe Marie Bovo. Dans son objectif : le jour à la tombée de la nuit, le décor en céramiques d’un joli café des années 1895 qui va devenir un fast-food (En Suisse-Le Palais du roi). Et ces fils à linge que les femmes tendaient entre les fenêtres dans les cours de la Joliette à Marseille (Cours intérieures)…Réalisées à la chambre photographique dirigée vers le haut, à la verticale de ces puits de lumière rectangulaire passant du bleu au noir la nuit, les photographies de cette série réalisées en 2008-2009 sont tout particulièrement fascinantes. Par leur cadrage déjà et par ce réseau de cordes à linge qui par un système de poulie lie les façades entre elles, nécessitant une entente entre voisins pour étendre son linge. Aujourd’hui, beaucoup de ces immeubles ont été rénovés et ces cordes ont disparues et avec elles une forme de lien entre les habitants.

Travaillant par séries, cette artiste née en 1967 à Alicante et qui vit à Marseille, prend son temps pour approfondir chaque sujet en saisir toutes les nuances avec une grande sensibilité du regard. Cette approche nostalgique et poétique du temps est illustrée aussi bien par la photographie que par le film et fondée sur l’observation tranquille, discrète, comme lorsque Marie Bovo photographie ces immeubles d’Alger la blanche aux volets clos, nous laissant imaginer leurs habitants dans l’ombre ou ayant désertés les lieux. La présence des gens, Marie Bovo nous la révèle toujours, sans nous en donner une image directe, juste par leurs traces de vie. Ce sont les chaussures, jouets, tapis et objets éparses éparpillés autour des cabanes des familles d’un camp de Roms à Marseille (La voie de chemin de fer). Ou les bassines, pilons, mortiers, petits tabourets de bois et ustensiles domestiques en tous genres, laissés à l’extérieur des maisons dans le village de Kasunya, au Ghana, témoins du quotidien de leurs habitants (Evening Settings). Une approche du temps fondée aussi sur « l’appropriation d’un dedans imaginaire par le dehors », souligne Agnès Sire, commissaire de l’exposition et directrice artistique de la Fondation Henri-Cartier-Bresson. Marie Bovo « résiste à l’agression de l’objectif chasseur et se coule en rythme dans le flux de la vie, en toute discrétion ». Réalisée en collaboration avec la galerie Kamel Mennour, l’exposition à la Fondation HCB, présente 35 tirages de grand format de 5 séries différentes ainsi que 2 films, dont La voie lactée (10 min 36s, 2016). On y suit une savoureuse coulée de lait ayant débordé de sa casserole et qui se répand dans l’obscurité des rues de Marseille, dessinant au passage un portrait en creux de la ville. On se laisse entrainer…

Martine Franck : Face à face

Dans le même temps, dans la galerie dédiée à ses Collections, la Fondation Henri-Cartier-Bresson expose des portraits de la photographe Martine Franck (1938-2012), créatrice avec son mari Henri Cartier-Bresson de la Fondation HCB ouverte en 2003.
Membre de l’agence Vu, cofondatrice de l’agence Viva, photographe chez Magnum à partir de 1983, Martine Franck a réalisé de nombreux portraits d’artistes et d’écrivains au cours de sa carrière, mais s’est surtout consacrée aux reportages à caractère social et humanitaire à travers le monde. Ici, sont réunies des personnes déjà marquées par le temps, surtout des femmes, rencontrées à l’hospice, inconnues dans la rue, ou célèbres : Maria Helena Vieira da Silva ; Lili Brick, Nathalie Sarraute…Peu de choses au premier regard rapprochent Marie Bovo et Martine Franck. Leurs époques, leurs usages de la photographie, leurs sujets sont différents. Mais elles partagent une même sensibilité pour l’humain, une même sobriété à le photographier ou à l’évoquer. Toujours avec délicatesse et respect, sans invasion dans son intimité, silencieusement. Deux artistes talentueuses et deux belles personnes.

Catherine Rigollet

Visuels : Marie Bovo, Evening Settings, Lundi 20h16, saison des pluies © Marie Bovo, Courtesy the artist and Kamel Mennour, Paris/London.
Marie Bovo, Cours intérieures, 23 avril 2009 © Marie Bovo, Courtesy the artist and Kamel Mennour, Paris/London.
Marie Bovo, Alger 18h59, le 2 novembre 2013. Tirage chromogénique marouflé sur aluminium et encadré, 150 x 120 cm. Courtesy galerie Kamel Mennour.
Martine Franck, L’artiste russe Lili Brick, Hôtel Plaza-Athénée, Paris, 1976. © Martine Franck / Magnum Photos.

Archives expo à Paris

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 25 février au 17 mai 2020
PROLONGATION JUSQU’AU 23 AOUT
Fondation Henri Cartier-Bresson
79 rue des Archives – 75003 Paris
Du mardi au dimanche : 11h – 19h
Tarif plein : 9€
www.henricartierbresson.org