Dans une véritable collaboration artiste-modèle, Henri Matisse (1869-1954) réalisa plus d’une centaine de portraits de sa fille aînée, Marguerite (1894-1982), depuis son enfance, jusqu’en 1945, quand il la retrouve après qu’elle a échappé de justesse à la déportation, à la suite de son engagement dans la Résistance. Une belle histoire de peinture et de relation père-fille à l’affection réciproque.
Née d’une liaison passagère avec Caroline Joblaud, Marguerite, reconnue ensuite par son père, est élevée par son épouse Amélie Parayre et grandit au sein de la famille Matisse. Privée d’une scolarité normale en raison de sa santé fragile, elle devient le modèle de prédilection de Matisse qui la peint au fil des jours dans des touches chromatiques de plus en plus audacieuses et parfois des formes géométrisées (Le Thé, 1919). Dans ses portraits, empreints d’amour paternel, on retrouve régulièrement son regard grave et le ruban noir ou les cols montants dissimulant la cicatrice d’une trachéotomie subie à l’âge de sept ans, à la suite d’une diphtérie. Illustrant l’affiche de l’exposition sa Marguerite au chat noir (début 1910) deviendra si précieuse à Matisse qu’il la conservera jusqu’à sa mort.
Surnommée affectueusement « Margot », l’ancienne « gosse d’atelier » et modèle d’avant-garde s’essaiera aussi à la peinture devenue adulte, puis à la couture…Mais c’est à la gestion des affaires de son père et à l’élaboration du catalogue raisonné de son œuvre (tâche jamais terminée) que cette femme, restée volontairement dans l’ombre, se consacrera finalement.
Organisée de manière chronologique, et en suivant les voyages et la vie de famille, à Paris, Étretat, Nice, Collioure, l’exposition rassemble plus de 110 œuvres (peintures, dessins, gravures, sculptures, céramique). Elle montre le regard d’artiste et de père que Matisse porte sur Marguerite, figure discrète de son cercle familial, mais si essentielle et iconique de son œuvre.
Catherine Rigollet