Nadaud, Daniel - Artiste

Daniel Nadaud

Daniel Nadaud

Extrait carnet 43

Extrait carnet 43

Extrait carnet 43

Extrait carnet 43

Extrait carnet 43

Extrait carnet 43

Extrait carnet 43

Extrait carnet 43

Extrait carnet 49

Extrait carnet 49

Partition fantôme

Partition fantôme

Atelier en Mayenne

Atelier en Mayenne

Atelier du Pré-St-Gervais

Atelier du Pré-St-Gervais

La Fée électricité

La Fée électricité

Le Lavoir

Le Lavoir

D. Nadaud expo BnF 2023

D. Nadaud expo BnF 2023

Chroniques de vie douces-amères d’un rêveur révolté

Préférant les fables à la réalité qu’il juge très inquiétante, Daniel Nadaud (né en 1942 à Paris) développe depuis les années 1970 une œuvre foisonnante, caustique et tendre à la fois qui parle de la folie des hommes et d’une nature tentant de survivre au milieu de ce monde chaotique et souvent absurde. Son univers nourri très jeune de la prose onirique de Gérard de Nerval, de la littérature, de ses observations et de ses collectes vagabondes dans la campagne de Mayenne et les rues de Paris, navigue sans boussole entre dessins et installations, fourmillant de motifs récurrents et obsessionnels.

Si Nadaud a commencé sa vie d’artiste par la peinture, il s’en détourne à partir de 1983 après avoir vu Porte-fenêtre à Collioure de Matisse. La puissance et le symbolisme de cette peinture de 1914 au paysage noyé dans le noir sont tels qu’il se sent bloqué. « Comment faire après lui ? J’avais besoin de quitter cette tutelle terrible de la peinture et surtout je voulais m’extraire du rectangle dans lequel je me sentais prisonnier ». Il va se consacrer au dessin, colonne vertébrale de son activité, et aux assemblages qu’il voit comme des dessins dans l’espace. Collectant compulsivement seaux, fourches, roues, brouettes, râteaux, cornes, fourchettes, vieilles galoches…il exhume au fur et à mesure de ses délires créatifs ces objets ramassés au hasard de ses déambulations et les met en scène. Il fait voguer des petits bateaux sur des skis, crée un radeau de la méduse en plantant des rames sur un vieux châssis, fabrique un canon avec des roues de charrette et une longue corne d’antilope prête à tirer des boulets, transforme un chausse-pied en langue, associant avec malice des objets qui se contredisent pour leur faire dire autre chose.

En bon économe, Nadaud l’enfant de la ville qui passait ses vacances aux champs recycle indéfiniment ses trouvailles, réapprivoisant une nouvelle fois ces objets en les couchant aussi sur le papier d’un trait aussi fin qu’acéré et poétique, convoquant l’esprit surréaliste de Max Ernst et celui contemplatif et onirique d’Odilon Redon. De ces dessins flottant sans fond comme en apesanteur, complexes voire inextricables récits au crayon noir ou en délicates couleurs, émergent ici des danses macabres et ubuesques évoquant les horreurs de la Grande Guerre que firent ses deux grands-pères et dont le récit le traumatisa à jamais. Là, d’improbables outils enfantés par l’assemblage d’objets agricoles ayant perdu leur valeur d’usage. Là encore un microcosme peuplé d’innombrables bestioles enchâssées les unes dans les autres : insectes éphémères et guerriers, grenouilles -que Nadaud pêchait enfant-, pigeons voyageurs, tortues, etc. autour desquelles planent de petits avions et une farandole de figures humaines réduites à la tête ou aux yeux. Ah les yeux ! Ce regard si présent dans l’œuvre de cet artiste dont le strabisme fut moqué dans l’enfance, raconte-t-il dans Sur un fil, une autobiographie en forme d’abécédaire (édition Diabase 2012).

Sa vie d’artiste, ses pensées, ses travaux en cours, ses projets, ses voyages, ses visites aux musées, ses réflexions amères face à la capacité infini de l’homme à s’autodétruire…Daniel Nadaud l’écrit et surtout le dessine depuis le début des années 1980. Une fresque au long cours qui se déroule sur de grandes feuilles, sur des estampes et sur des dizaines de carnets qui, pour quarante d’entre eux, viennent de faire l’objet d’un don à la Bibliothèque nationale de France qui les expose (du 10 janvier au 12 mars 2023).
Impossible pour l’artiste de s’imaginer cesser de dessiner et de composer des livres qui ont toujours accompagné ses travaux de plasticien. Alors il poursuit inlassablement cette chronique illustrée, avec toujours autant d’ironie grave sur le monde et d’autodérision sur lui-même, truffant son œuvre graphique de notes tracées d’une minuscule écriture serrée et de titres facétieux en forme de jeux de mots : « La Gricole » (entre agricole et bricole), « L’Eau régale », « Les seaux de l’eau de là », « L’heure du T », ou cette « Fée électricité » dans laquelle des hommes politiques sont enfermés dans des ampoules, sans pouvoir vraiment nous éclairer. Un long conte enthousiasmant à déchiffrer et déguster lentement.

Catherine Rigollet (janvier 2023)