Après le succès de l’exposition « Albert Edelfelt. Lumières de Finlande » en 2022, le Petit Palais poursuit son exploration de l’univers des peintres finlandais avec une rétrospective consacrée à Pekka Halonen (1865-1933), l’une des figures majeures de l’âge d’or de la peinture finlandaise. Quelque 130 œuvres issues des plus grandes collections publiques et privées finlandaises offrent un voyage au cœur de la Finlande sauvage au gré des paysages et des saisons si poétiquement illustrés par cet artiste pleinariste et réaliste qui s’est aussi engagé politiquement en faveur de l’indépendance de son pays.
Né à Lapinlahti, au centre-est de la Finlande, issu d’une famille paysanne cultivée (sa mère est une musicienne accomplie et lui-même joue du kantele, cette sorte de cithare typiquement finlandaise), Pekka Halonen baigne dès son plus jeune âge dans cette terre primitive dont il n’aura de cesse de restituer l’authenticité. Après une formation à la Société des beaux-arts de Bruxelles, il poursuit ses études d’art à Paris entre 1890 et 1894, d’abord à l’académie Julian, puis comme élève de Gauguin qui l’incite à simplifier le dessin. Sur les murs jaunes de l’atelier du maître, il découvre une nature morte de Cézanne, des tournesols de Van Gogh, des tableaux de Puvis de Chavannes, des gravures de Degas et des estampes japonaises qui nourriront son inspiration. À Paris, le jeune homme qui fréquente d’autres artistes, notamment des Finlandais de sa génération tels que Akseli Gallen-Kallela, Magnus Enckell ou Eero Järnefelt, se frotte aussi aux courants artistiques en vogue : le japonisme, le pleinairisme et le synthétisme.
Rentré en Finlande, Halonen revient aux détails dans ses paysages de lacs dont il a conservé la nostalgique. Dans la maison-atelier, Halosenniemi, qu’il s’est construit le long du lac de Tuusula, au sud de la Finlande, il va peindre la vie tranquille autour de lui, exaltant les paysages primitifs et les traditions locales, tout en cultivant un idéal patriotique dans cette période de tutelle russe (le pays a statut de grand-duché de la Russie et n’accèdera à l’indépendance qu’après la révolution russe de 1917) qu’il glisse en messages dans sa peinture. Ainsi cette forêt de pins dont certains sont couchés, mais elle toujours debout et dressée, que le public sait lire comme une aspiration à la liberté (Contrée sauvage, 1899).
Une révolte silencieuse somme toute, au milieu d’une carrière sans tragédie et d’une vie de famille sereine auprès de son épouse Maija Mäkinen, brillante pianiste, qui joue souvent pour lui pendant qu’il peint, et de ses huit enfants qui lui servent de modèles. « La source originale de mon inspiration est la nature. Depuis trente ans, je vis au même endroit avec la forêt à mes pieds. J’ai souvent pensé que j’avais le Louvre ou les plus grands trésors du monde à ma porte. Il me suffit de me rendre dans la forêt pour voir les plus merveilleuses des peintures – et je n’ai besoin de rien d’autre » (Entretien de Pekka Halonen avec le journal Svenska Pressen, le 5 mai 1932).
Dans l’exposition, son vaste atelier, aux parois de bois et à la grande baie donnant sur le lac, est restitué avec de nombreuses œuvres réalisées sur place, des objets du quotidien (paire de skis) et des photographies contemporaines de la maison et de ses environs.
La ville est absente de l’œuvre de Pekka Halonen. Tout est campagne. Tout est un hymne à la nature et exaltation de la résilience et de la ténacité du peuple finlandais. Comme ces hommes qui déboisent (Les Pionniers de Carélie, 1900) ou cette femme qui a cassé la glace d’un lac gelé pour laver son linge (La Lessive sur la glace, 1900).
S’il peint quelques natures mortes, notamment de simples tomates cultivées dans son potager, du linge séchant ou quelques petits paysages printaniers autour de sa maison, dérogation hyper-colorée qui sent l’influence des tendances fauves et néo-impressionnistes, Pekka Halonen n’aime rien tant que le blanc de l’hiver et ses longs mois de neige. « Poète de la neige », il la peint inlassablement, dans une lumière souvent éblouissante et glacée, des formats verticaux et une vue rapprochée inspirés du japonisme (Jeunes pins enneigés, 1899 / Paysage d’hiver, Kinahmi, 1923). Cette ferveur quasi mystique pour le blanc silencieux, poétique et serein se ressent tout au long du parcours et explose dans une vingtaine de toiles réunies dans la dernière salle de l’exposition. Des monochromes blancs sur un fond bleu nuit. Une belle exposition de saison.
Catherine Rigollet









