Même calme contemplatif, même rôle central joué par une figure féminine, même ambiance mystérieuse, même contraste entre le noir et la lumière…et mêmes initiales J.V : beaucoup d’œuvres de Jacobus Vrel furent longtemps attribuées à Johannes Vermeer (1632-1675). Il faut dire que Vrel est un quasi inconnu. On ne sait ni où il est né, ni quand, et il n’a signé et daté qu’une seule de sa cinquantaine d’œuvres répertoriées : Femme penchée à la fenêtre, 1654, conservée au Kunsthistorisches museum de Vienne. Très récemment toutefois, la datation du bois des panneaux sur lesquels il a peint a permis d’affirmer qu’il fut actif aux Pays-Bas à partir des années 1640, et plus certainement entre 1654 et 1662, et donc précurseur du peintre de Delf.
Alors, qui était l’énigmatique Vrel ? À défaut de raconter sa vie, cette monographie inédite présentée à la Fondation Custodia après une étape initiale au Mauritshuis à La Haye révèle l’art de cet artiste, pionnier dans la représentation d’intérieurs et de scènes de rue.
À peintre mystérieux, œuvre énigmatique
Excepté un unique paysage (Paysage avec deux hommes et une femme conversant), Vrel s’est concentré presque exclusivement sur les scènes de rue et d’intérieur dans des compositions souvent répétées presque à l’identique (pour en faire commerce ?) Les premières -un genre qui ne s’est vraiment développé que dans la seconde moitié du Siècle d’or hollandais (XVIIe)- dépeignent des ruelles anonymes avec des personnages qui le sont tout autant. Sans doute des vues de petites villes de province avancent nombre d’experts. Vrel les peint avec un grand souci du détail, notamment des briques des murs et des pierres pavant la rue comme dans ce petit tableau Deux passants à l’angle d’une maison.
Quant aux scènes d’intérieur, les plus captivantes, elles montrent un personnage, une femme en général, de dos le plus souvent. Elle cuisine, ranime le feu dans la cheminée, s’occupe d’un enfant, coud ou lit dans une pièce haute, vide d’objet, à l’exception d’un curieux morceau de papier chiffonné au sol portant sa signature J.V. Un motif récurrent chez Vrel. Grand sens du détail aussi avec les fenêtres au quadrillage toujours bien dessiné. La palette est restreinte, sombre. La sobriété et le silence dominent dans ces compositions dont « la signification ne réside pas dans ce que nous voyons mais dans ce qui n’est pas montré », avance Karin Leonhard, co-auteur du catalogue raisonné (39,90€).
Longtemps Vrel ne fut qu’un nom, aujourd’hui il reste insaisissable, mais après tout peu importe, son œuvre contemplative suffit à notre plaisir.
Catherine Rigollet