Augustin Rouart avait la peinture en héritage. Né en 1907 dans une famille d’artistes et de collectionneurs, il a grandi entouré de peintures et de peintres. Il y a déjà ses deux grands-pères Henry Lerolle (1848-1929) (dont Renoir a peint les deux filles au piano) et Henri Rouart (1833-1912), ami de Degas et qui a participé à la première exposition impressionniste en 1874. Puis son oncle Ernest, (1874-1942), un des fils d’Henri, qui épouse par l’entremise de Degas Julie Manet, fille de Berthe Morisot et nièce d’Edouard Manet. Gravitent également dans l’orbite de la famille Rouart : Stéphane Mallarmé et Paul Valéry, qui épouse la cousine de Julie Manet.
Augustin aurait pu être écrasé par cet héritage et son influence impressionniste, mais tout en restant résolument figuratif durant les décennies 1950-1980 où l’art abstrait domine, cet artiste nourri des maîtres de la Renaissance, notamment Dürer dont il reprend le monogramme dans certains de ses tableaux, a trouvé son style dans une peinture en aplats, proche des formes de l’Art déco, puisant ses motifs dans son environnement et sa famille, de manière tendre et poétique : des pavots dans un pichet, un petit pêcheur, un nageur, une théière et sa tasse de thé, des citrons, une plage à marée basse à peine troublée par l’écume d’une vague, un enfant endormi… Une peinture aux couleurs tendres, étonnamment simple et heureuse, lui, l’homme solitaire, « l’artiste discret, soucieux et torturé », comme nous le décrivait son fils, l’académicien Jean-Marie Rouart, lors de l’exposition au Petit Palais en juin 2021.. Peut-être une façon d’évacuer ses obscurités intérieures par une palette claire et paisible ?
L’exposition présente une sélection d’œuvres d’Augustin Rouart dont des natures mortes, des bouquets de fleurs, des vagues et des plages, une aquarelle du Nageur (le tableau à l’huile de 1943 est au Petit Palais dans l’exposition Le corps en mouvement), ou encore Le Petit pêcheur qui illustre l’affiche. Elles sont accompagnées de quelques petites œuvres d’artistes qui composaient ce monde dans lequel il a grandi et s’est formé : comme ce portrait d’Augustin Rouart enfant par Julie Manet…et de photographies de famille. La dernière salle est consacrée aux aventures de nounours. Une histoire illustrée qu’Augustin racontait à son fils Jean-Marie, quand il avait 4-5 ans. Un fils qui se consacre depuis les années 1980 à promouvoir l’œuvre de son père et lui offrir la reconnaissance qu’il souhaitait certainement, sans avoir beaucoup cherché à l’obtenir.
On ne manquera pas à l’étage de cette villa typique de l’architecture balnéaire de la société du Second Empire, construite en 1865 par l’architecte Jean-Louis Célinski pour la marquise de Montebello, la collection de peintures, dessins (3 jolis dessins de Boudin), gravures, affiches, vêtements et accessoires de plage évoquant Trouville et sa plage au XIXe siècle. La collection est complétée de nombreux dessins et peintures d’André Hambourg (1909-1999), fidèle des plages normandes, peignant sous son parasol blanc des marines colorées, pavois claquant au vent dans un air de fête permanente.
Et si vous allez à Trouville, traversez le pont sur la Touques pour vous rendre dans l’ancien couvent des Franciscaines, entièrement rénové en 2021 et qui, après une belle exposition Zao Wou-Ki (https://lagoradesarts.fr/Zao-Wou-Ki-Les-allees-d-un-autre-monde.html), présente cet été trois expositions : les icônes photographiques de Robert Capa, des vues de Venise d’André Hambourg et l’influence réciproque entre les artistes japonais et français, au temps de l’impressionnisme et à notre époque contemporaine.
Catherine Rigollet
