Avec le succès rencontré depuis son ouverture le 7 octobre 2023, l’exposition se prolonge d’une année supplémentaire. Cette extension permet de découvrir une trentaine de nouvelles œuvres pour une exploration approfondie de l’univers de Vincent van Gogh et de ses contemporains
Bien sûr, on ne verra pas de toiles de Van Gogh au château d’Auvers-sur-Oise qui présente une exposition essentiellement numérique dont le fil rouge est de raconter à Auvers, sur le lieu même où Vincent van Gogh a vécu ses deux derniers mois jusqu’à sa mort, son extraordinaire parcours de vie et de création. Comme l’avait été, de 1994 à 2016, « Voyage au temps des impressionnistes », le tout premier parcours multimédia présenté au château d’Auvers sur Oise, qui offrait une immersion dans le Paris de la fin du XIXe siècle et de ses grands bouleversements, cette exposition en douze salles nous emmène en voyage. Cette fois dans les pas de Vincent van Gogh, pour nous remémorer sa jeunesse de fils d’un pasteur hollandais, son bref engagement comme prédicateur avant de devenir marchand d’images (il vendait les gravures de la maison Goupil dans la succursale de La Haye aux Pays-Bas), puis de prendre un tournant décisif en se lançant dans la peinture.
Wouter van der Veen, commissaire général de l’exposition et spécialiste de Vincent van Gogh (c’est aussi lui qui a retrouvé l’endroit dans Auvers où fut peint Racines d’arbres, l’ultime tableau de van Gogh), souhaitait également démythifier l’image d’un van Gogh artiste maudit, déprimé, sans le sou…Il voulait montrer un Van Gogh conscient de son talent, souvent enthousiaste, qui grâce à sa famille avait les moyens financiers de vivre et de travailler. Sans pour autant passer sous silence ses coups de folie, ses colères, son alcoolisme, sa fébrilité face à sa peinture. Une vie, comme les chemins qu’il va emprunter, « semée d’embûches et jonchée de merveilles »
Van Gogh, de Paris à St Rémy
Le parcours ouvre sur une galerie de toiles représentatives de l’environnement artistique de sa jeunesse, avec des artistes tels que Jules Dupré, Théodore Rousseau, Jean-Baptiste Camille Corot, Ary Scheffer, Antoine Louis Barry, Paul Huet...Suivent des évocations du Montmartre et de l’appartement bourgeois de la rue Lepic où Vincent et Théo ont vécu. Y naissent de solides amitiés avec entre autres Signac et Toulouse-Lautrec. Dans son grand enthousiasme pour Van Gogh, Wouter van der Veen n’a pas hésité à imaginer des propos qu’auraient pu tenir ces artistes sur leur ami Vincent...De fausses citations (présentées sans guillemets heureusement), qui mettent dans l’ambiance de ces années de belles camaraderies artistiques, mais prêtent à confusion.
Après un rappel de l’influence du japonisme sur Vincent Van Gogh (grand collectionneur d’estampes), on suit ensuite le peintre dans le Midi, à Arles en 1888, avec les reproductions de quatre importants tableaux : Les Tournesols, la Chambre à coucher, La moisson et Barques aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Des toiles de très bonne qualité toutefois puisqu’il s’agit de luxueuses reproductions éditées par Museum Editions du musée Van Gogh d’Amsterdam, offertes au Département du Val d’Oise, propriétaire du château d’Auvers). Puis direction St Rémy avec la reproduction de la joyeuse et printanière Branches d’Amandier en fleurs, peinte à l’occasion de la naissance de son neveu.
Van Gogh à Auvers
Après le énième coup de folie, la bagarre avec Gauguin, l’oreille coupée et le séjour à la maison de santé de Saint-Paul-de-Mausole, Vincent retourne dans le Nord, et s’installe fin mai 1890 à Auvers-sur-Oise, par ce qu’on lui a recommandé le docteur Gachet, médecin homéopathe, et ami des artistes. Le village est illustré par des photos anciennes, des cartes postales et quelques tableaux de peintres dont Karl Daubigny, Ludovic Piette ou Léonide Bourges. Une belle découverte que cette peintre peu connue qui vécut à Auvers à la même époque que Vincent van Gogh et que l’exposition met en lumière à travers une dizaine d’œuvres, dont une toile tout récemment acquise en 2024, restaurée et fascinante par son sujet. Non datée, elle représente l’église d’Auvers avec exactement le même point de vue que celui adopté par Van Gogh pour son Église d’Auvers-sur-Oise, vue du chevet, 1890 (aujourd’hui exposée au musée d’Orsay), avec un identique petit personnage sur la gauche. L’un aurait-il vu l’œuvre de l’autre ? Impossible de le dire à ce stade.
Durant 70 jours, van Gogh va arpenter les rues du village et les champs qui le surplombent, y peignant 74 tableaux (sans compter les dessins), avant de se tirer une balle dans la poitrine le 27 juillet, après avoir terminé son ultime chef-d’œuvre : Racines d’arbres. Ces derniers jours qui firent l’objet d’une belle rétrospective au musée d’Orsay en 2024.
Le parcours inclut des documents audiovisuels historiques, dont le témoignage (pas tendre pour le docteur Gachet) d’Adeline Ravoux, la fille de l’aubergiste chez qui Vincent a loué une petite chambre. Un témoignage sur d’éventuelles prises de toiles au lendemain de sa mort, recueilli bien des années plus tard et sujet à caution selon le commissaire. L’exposition se clôt dans une salle de 300 m2 avec des projections d’œuvres à 360° et surtout un hommage à Johanna Bonger, l’épouse de Théo. Après la mort de Théo, six mois après Vincent, c’est elle qui durant quinze ans va se démener pour promouvoir l’œuvre de Vincent, organisant notamment l’immense rétrospective de 400 tableaux, présentée en 1905 au musée municipal d’Amsterdam, qui va consacrer définitivement le génie de Van Gogh.
Catherine Rigollet