Réalisée en collaboration avec Bernhard Luginbühl, Jesús-Rafael Soto, Eva Aeppli, Larry Rivers, Daniel Spoerri, César, Arman…, cette sculpture habitable démesurée sortie de l’imaginaire de Jean Tinguely et de son épouse Niki de Saint Phalle vient d’être restaurée et a rouvert au printemps 2022.
Conçu en 1969 par Jean Tinguely (1925-1991), le Cyclop est une tête de géant sans corps de 22,5 mètres de haut, en béton et en métal, recouverte sur sa face de 62 000 miroirs. Elle est animée comme toutes les sculptures-machines de Tinguely. Grâce à une machinerie aux engrenages de ferraille, même son unique œil tourne, son unique oreille bouge et de sa bouche ruisselle de l’eau sur une langue toboggan. Cette œuvre titanesque posée en pleine forêt, sur la commune de Milly-la-forêt, à proximité de Fontainebleau, a été affirmée dès l’origine comme un lieu de partage et d’échange collectif avec d’autres artistes. Le fruit d’une aventure qui a réuni des sculpteurs un peu fadas autour de la personnalité de Tinguely à l’humour provocant et à la créativité iconoclaste tendance Dada.
Sans autorisation, et avec leurs propres fonds, ils ont travaillé jusqu’en 1994 à cette œuvre collaborative, festive et provocatrice, utilisant des matériaux recyclés et une totale liberté artistique. Le Cyclop abrite un univers surprenant qui se découvre au fil d’un parcours labyrinthique ponctué d’œuvres et de curiosités. L’oreille d’une tonne est de Bernhard Luginbühl. Le calepinage de 62 000 tesselles de miroir couvrant La Face est de Niki de Saint-Phalle. On trouve aussi une concrétion de César, un pénétrable sonore de Jesús Raphael Soto, une accumulation d’Arman, une jauge rouge et blanche de Jean-Pierre Raynaud qui permet de mesurer la hauteur de l’œuvre, des Gisants blancs de Rico Weber, un Hommage à Mai 68 de Larry Rivers… et un incroyable wagon suspendu (Hommage aux déportés) d’Eva Aeppli, première épouse de Tinguely. L’œuvre se compose d’un wagon de la SNCF des années 1930 suspendu sur une plateforme à plus de 13 mètres de haut, à l’intérieur duquel se trouvent 15 figures en soie blanche et velours marron. Il aura fallu une grue pour la mettre en place.
Pour pérenniser Le Cyclop, Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle en ont fait don à l’État en 1987. Depuis cette date, le Centre national des arts plastiques en assure la conservation. L’association « Le Cyclop », créée en 1988, se charge quant à elle de l’ouverture du lieu, d’avril à fin octobre. Restauré en 2021 (1,2 millions d’euros, pris en charge par le Cnap avec le soutien du ministère de la Culture et de plusieurs mécènes), le Cyclop a rouvert au public au printemps 2022.
Après une petite marche d’accès de 300 mètres sur un chemin forestier, on peut tourner autour librement, le contempler en sirotant un verre à l’ombre de la petite buvette-boutique ou s’offrir une visite commentée en pénétrant ce monstre de métal de 350 tonnes. Poursuivez votre balade artistique à Barbizon (une douzaine de kilomètres) à la rencontre des artistes venus peindre en forêt de Fontainebleau au début du XIXe siècle..
Catherine Rigollet
Visuels : photos L’Agora des Arts, août 2022.
