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Lionel Sabatté. Eclosion : une résurrection perpétuelle

Pour cette exposition personnelle, le MAMC+ propose une carte blanche à Lionel Sabatté. Cet artiste français, installé entre Paris et Los Angeles, s’intéresse depuis plus de vingt ans à la transformation de la matière. Au fil des salles se déploie une cosmogonie propre à l’univers plastique de l’artiste, à la fois organique, minérale et animale. Un univers féérique et trompeur.

En 2012, j’avais découvert les stupéfiantes sculptures de loups en moutons de poussière de métro ramassés consciencieusement par Lionel Sabatté (né en 1975 à Toulouse). Si la matière première me semblait plutôt répugnante, le symbolisme mouton-loup et le concept de créer avec des résidus de vies laissés par des milliers de gens étaient plutôt séduisants. L’artiste peignait aussi la fumée qui comme la poussière est insaisissable et de forme changeante. Une visite à son atelier s’imposait. La rencontre fut passionnante. (https://lagoradesarts.fr/Dans-l-atelier-de-Lionel-Sabatte.html)

Presque dix ans plus tard, le musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne lui consacre une grande et spectaculaire exposition monographique sur plus de 800 m2. Pour cette carte blanche proposée par le musée, l’artiste a produit une cinquantaine d’œuvres, oxydations sur plaques, peintures, sculptures, installations et dessins, qui confirme la créativité et le talent de cet artiste qui a su se renouveler tout en continuant à creuser sa réflexion autour de la notion de régénération et donc du vivant. Comme de provoquer sur un vieux châtaignier dont il ne reste que la cime figée dans le métal, une éclosion printanière de petites fleurs blanches aux pétales…constitués de milliers de petits copeaux de peau morte -recueillis chez des podologues de la région. Stupéfiante et poétique installation.

Avec ces mêmes résidus humains, symboles de tant de vies et de kilomètres parcourus, l’artiste a tissé un tapis aux reflets nacrés, l’agrandissant progressivement du centre vers l’extérieur, le suspendant pour l’offrir à la lumière traversante, passant de l’organique au spirituel, tel un mandala. Il fait écho à des visages de femmes et d’enfants à peine esquissés sur papier, délicats portraits faits de cheveux et de poussières.

La notion de temps et de voyage transcende l’œuvre de Lionel Sabatté. Ainsi, ce temps qu’il a fallu à des plaques d’acier pour devenir noires et dorées comme des icônes après avoir subi en surface divers processus d’oxydation, dessinant un paysage géologique tout à la fois aqueux (avec ces pointes de bleu turquoise) et magmatique (avec ces cloques de rouge-braise). Poursuivant la création de son bestiaire insolite, l’artiste a expérimenté un matériau jusque-là inusité dans son œuvre : le bronze à la cire perdue, créant une nué d’oiseaux. Certains sont perchés sur des piques tels des totems, d’autres accrochés au mur, ou parfois tombés au sol comme de tristes cadavres dans un champ devenu silencieux.

C’est sur du papier noir (hérité de l’artiste Pierrette Bloch) qu’il a aussi couché d’autres petits volatiles avec une acrylique blanche et fluide, saupoudrée de curcuma, « quelque part entre poussin et œuf au plat », s’amuse l’artiste. L’accès à la grande salle du musée, dite « la nef » lui a donné l’opportunité du monumental « Mur des ouvertures », sorte de longue épave lacustre ou marine hérissée de fer à béton. Autour se tiennent trois colosses féminins à genoux, vestales ou pleureuses en posture de douleur spectatrices du naufrage. Une installation aussi spectaculaire qu’émouvante.

Avec ses nouvelles œuvres poétiques, sensibles, troublantes, Lionel Sabatté nous emmène encore plus loin dans son univers d’une « inquiétante étrangeté », féérique et trompeur, où les choses ne sont jamais exactement ce qu’elles semblent être.

Catherine Rigollet

 Catalogue avec entretien de Lionel Sabatté par Aurélie Voltz, directrice du MAMC+ et commissaire de l’exposition. 28€.
 En parallèle, d’autres lieux consacrent une exposition à Lionel Sabatté : l’Abbaye d’Escaladieu à Bonnemazon, l’Espace Villeglé à Saint-Gratien, le Prieuré Pont-Loup à Moret-sur-Loing. L’artiste présente également son premier solo-show new-yorkais à la galerie Ceysson & Bénétière à l’automne.

Visuels : Portrait de Lionel Sabatté, 2020. © Rebecca Fanuele.
Lionel Sabatté, Plaisir, 2021, oxydation sur plaques de métal, courtesy de l’artiste. Photo L’Agora des Arts.
Lionel Sabatté, Le Mur des ouvertures (détail), 2021, ciment, filasse, fer à béton et pigments, courtesy de l’artiste. Vue in situ. Photo L’Agora des Arts.
Lionel Sabatté, série Fragment, 2021, ciment, filasse, fer à béton et pigments, courtesy de l’artiste. Vue in situ. Photo L’Agora des Arts.
Lionel Sabatté, devant Le Tissu, 2021, peaux mortes, colle et vernis, courtesy de l’artiste. Vue in situ. Photo L’Agora des Arts.

 À voir aussi à Saint-Étienne l’exposition que la galerie Ceysson & Bénétière consacre à Bernar Venet dans son nouvel espace. Jusqu’au 13 novembre 2021. https://lagoradesarts.fr/-Bernar-Venet-Reliefs-.html

Archives expo en France

Visuels de l'artiste
Infos pratiques

Du 17 septembre 2021 au 2 janvier 2022
Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne Métropole
Rue Fernand Léger - Saint-Priest en Jarez (42)
Tous les jours de 10h à 18h sauf les mardis
Tarif plein : 6,50€
https://mamc.saint-etienne.fr