Roberta Gonzalez

Roberta González (Paris, 1909 - Monthyon, 1976) a vécu sous l’influence (et un peu dans l’ombre) de son père, Julio González (1876-1942), éminent sculpteur et représentant de l’avant-garde artistique du début du XXe siècle, puis de son mari, le peintre allemand Hans Hartung (1904-1989). La petite exposition que lui offre le Centre Pompidou est donc une rare opportunité de découvrir le travail d’une grande variété stylistique et technique de cette peintre et sculptrice franco-espagnole, qui met plus particulièrement en lumière la période 1935-1954 qui marque son envolée personnelle.

C’est au début des années 1930 que Roberta González émerge sur la scène parisienne et c’est à partir de cette période qu’elle passe des scènes paysannes, maternités et portraits de famille classiques à des formes géométriques plus avant-gardistes, comme cette femme au fichu blanc (Sans titre, 1935). Un motif qu’elle a décliné de nombreuse fois et qui évoque la Montserrat de son père Julio, madone catalane combattante, symbole des souffrances du peuple espagnol et catalan pendant et après la guerre civile, et qui va dominer l’œuvre du sculpteur jusqu’à sa mort.

La première exposition particulière de Roberta a lieu en avril-mai 1939 à la galerie Henriette Gomez, en dialogue avec des œuvres du peintre allemand Hans Hartung. La peinture abstraite de ce jeune artiste qui fréquente l’atelier de son père marque profondément Roberta. Le couple se marie en juillet 1939. Réfugiée dans le Lot durant la guerre et séparée d’Hartung jusqu’à l’automne 1945, Roberta peint des portraits de sa famille mais aussi des figures féminines, déformées et éclatées. Si l’ombre de la guerre plane encore après la fin du conflit, comme dans ce Nu mélancolique (1950) montrant une femme triste dans une palette assez sombre, un nouvel univers se dessine avec L’heure exacte (1950). Cette œuvre phare de l’exposition montre une silhouette et un visage de femme, deux oiseaux et deux horloges dont l’une au cadran surréaliste qui donnerait midi à quatorze heures…
Au fil des années 1950, elle élabore un univers de plus en plus personnel, synthèse entre figuration et abstraction, son vocabulaire plastique évolue. La femme toujours, mais aussi l’oiseau et des signes figurés (flèches, soleil) nourrissent ses compositions. La couleur a remplacé le sombre dans sa palette. Une gaité qui résonne avec l’univers de ses dessins d’enfant (qui auraient reçus les compliments de Picasso, ami proche de son père et qui fréquentait leur appartement de Montparnasse). Roberta enchaine désormais les expositions particulières dans des galeries parisiennes. Au-delà de la peinture et du dessin, la créativité débordante de Roberta González l’amène à pratiquer la sculpture et même l’architecture. En 1960, elle entreprend la construction d’une villa moderniste à Bormes-les-Mimosas (Var) sur la base de ses propres plans, qu’elle décore avec du mobilier Charlotte Perriand et plusieurs de ses propres tableaux.

Pour mieux représenter la communauté créatrice à laquelle Roberta González faisait partie lors de la réalisation des œuvres exposées, elles sont présentées en dialogue avec une poignée d’œuvres de Julio González, son père (décédé en 1942 et dont elle a défendu activement l’œuvre en collaborant à l’organisation d’expositions rétrospectives et par des donations : 200 œuvres au Musée national d’art moderne), et d’Hans Hartung. (avec lequel elle a maintenu des liens amicaux malgré leur divorce en 1956 et le remariage d’Hartung avec l’artiste Anna-Eva Bergman.).

La longévité exceptionnelle de l’exposition qui durera un an, jusqu’en mars 2025, donnera cours à un roulement des œuvres, permettant au public d’en optimiser leur découverte.

Catherine Rigollet

Archives expo à Paris

Infos pratiques

Du 2 avril 2024 au 9 mars 2025
Centre Pompidou
Niveau 5 - Salle 18
Tous les jours, sauf mardi, 11h-21h
Tarifs : 15€/12€
https://www.centrepompidou.fr


Visuels :

 Roberta González, Sans titre, 1935. Huile sur toile, 40,8 x 33 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. Don de la succession González, 2023.

 Roberta González, Paysanne au bâton et à l’enfant, juillet 1937. Gouache, encre et mine graphite sur papier, 25 x 14,6 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. Don de la succession González, 2023.

 Portrait de Roberta González dans l’exposition, et vitrine avec documents personnels.

 Roberta González, Nu mélancolique, 3 août 1950. Huile sur toile, 59,5 x 45 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. Achat de l’État, 1952.

 Roberta González, L’heure exacte, 12 octobre 1950. Huile sur panneau. 64,5 x 91,3 cm. Centre Pompidou, Musée national d’art moderne. Don de la succession González, 2023.

 Roberta González, Les flèches n. 1, 1968, huile sur toile, 114 x 145,5 cm, IVAM Centre Julio González.

Photos : L’Agora des Arts